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ACTE IV, SCENE II 287

Car enfin, hors de là, que pent-il m'imputer? I lyo

Ma voix, depuis dix ans qu'il commande une armée,

A-t-elle refusé d'enfler sa renommée?

Et lorsqu'il l'a fallu puissamment secourir,

Que la moindre longueur l'aurait laissé périr,

Quel autre a mieux pressé les secours nécessaires? i \9'6

(Jui l'a mieux dégagé de ses destins contraires?

A-t-il eu prés de vous un plus soigneux agent

Pour hâter les renforts et d'hommes et d'argent?

Vous le savez, Seigneur, et pour reconnaissance.

Après l'avoir servi de toute ma puissance, I2l>0

Je vois qu'il a voulu me perdre auprès de vous :

Mais tout est excusable en un amant jaloux,

Je vous l'ai déjà dit.

PRUSIAS.

Ingrat, que peux-tu dire?

��Que la Reine a pour moi des bontés que j'admire.

Je ne vous dirai point que ces puissants secours 1203

Dont elle a conservé mon honneur et mes jours,

Et qu'avec tant de pompe à vos yeux elle étale,

Travaillaient par ma main à la grandeur d'Allale;

Que par mon propre bras elle amassait pour lui,

l-'.t préparait dès lors ce qu'on voit aujourd'hui. 1210

l'ar quelques sentiments qu'elle aje été poussée,

1104. Lotigiifiur [de temps), pour retard.

IIOG. Il semble plus naturel rie dire dégager d'un danger, comme au v. 1634. ou dégager des fers, comme aa v. ITJ4, que dégager des destins contraires; mais ces deslins contraires ne sont pas autre chose que les dangers, les obstacles, les (lifflcultés de tout genre, avec lesquels Nicomède était aux prises, et dont Arsl- noé prétend l'avoir aidé à sortir. C'est le latin expedire.

H07. Le mot agent, qu'on a déjà rencontré au v. 027, est pris par Corneille dans le sens favorable et dans le sens défavorable indifféremment; mais, dans le second cas, il ajoute en général un adjectif : u cet agent fatal. » {Polijeucte, \il.) Il dit même agente. ( Veuve, 744.)

ii03. I.e discours d'Arsinoé, plaidoyer à la fois et réquisitoire, avec son appa- rent abandon et ses finesses étudiées, avec cette sincérité dans l'accent et cette duplicité dans la pensée, est un pur chef-d'œuvre de diplomatie féminine. Asso- cier étroitement ses intérêts à cens de son mari, lui .persuader qu'on n'en veut qu'à la femme de Prusias et qu'en l'accusant on l'offense lui-même, perdre .\ico- mède sans l'attaquer ouvertement, voilà sa tactique, et cette tactique obtient un plein succès, comme le prouve l'esdamation si plaisante de Prusias : u Ingrat 1 » iSlcomède convaincu d'ingratitude envers celle qu'il accuse d'avoir attenté à ses jours, quel résultat triomphant! M.Géruzez rapproche avec raison de cette scène celle ou le naïf Orgon, attendri par l'humilité de Tartuffe, reproche à Damis d'avoir calomnié le saint homme.

1206, Dont, par lesquels, comme au v, 1124.

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