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Vous êtes en ses mains, vous vivez dans sa cour.

LAODICE.

Je ne sais si Ihonneur eut jamais un faux jour, 83?

Seigneur; mais je veux bien vous répondre en amie.

Ma prudence n’est pas tout à fait endormie; Et sans examiner par quel destin jaloux La grandeur de courage est si mal avec vous, Je veux vous faire voir que celle que j’étale 835

N’est pas tant qu’il vous semble une vertu brutale; Que, si j’ai droit au trône, elle s’en veut servir, Et sait bien repousser qui me le veut ravir.

Je vois sur la frontière une puissante armée. Comme vous l’avez dit, à vaincre accoutumée; 840

Mais par quelle conduite, et sous quel général? Le Roi, s’il s’en fait fort, pourrait s’en trouver mal, Et s’il voulait passer de son pays au nôtre,

829. Flaminius nièlu, avec plus de discrétion que Prusias, les menaces voilées aus insinuations et aux conseils. 11 est moins adroit pourtant lorsqu’il essaye de i’aire peur à Laodice d’une armée qui n’obéit qu’à N’icomède. C’est lui faire la par- tie belle. ,

8.30. Sur cette expression Ae faux jour, voyez la note du v. 8il. Tout ce dis- cours de Laodice sera dans le ton ironique ; elle reprendra les expressions mêmes de Flaminius et les retournera contre lui; elle discutera et raisonnera en dialecticienne consommée.

832. (Jui ne se souvient ici du sonnet de Trissotin :

Voire pruilence est endormie, et de l’exclamation admirative d’Arraande :

A pruiience endormie il faut rendre les armes?

Est-ce la métaphore en elle-même que Molière entendait critiquer, ou ne raillait-il que l’enthousiasme injustifié d’Armande? Corneille avait traversé la société précieuse que le grand comique ridiculisera longtemps après, et son stylo se ressent çà et là de ce commerce ; mais il serait excessif de blâmer ici, avec Voltaire, une figure qui nous semble aujourd’hui si naturelle.

834. Courage équivalant à cœur, la grandeur de courage, c’est la grandeur d’âme. Dans son Examen , ou Corneille déQnit l’originalité de sa pièce, il écrit : « La gratideur de courage y règne seule. »

835. Que j’étale, que je déploie avec ostentation. Suppléez : selon vous, à vous en croire. Le mot est encore ironique.

841. Par quelle conduite, sous la conduite de quel chef?

842. « Se faire fort de quelque chose ne peut être employé pour s’en prévaloir. " (Voltaire.) Aussi cette locution n’a-t-elle pas ici ce sens. Voltaire ignorait qu’elle signifiait parfois aussi compter sur, et ne voyait pas qu’il faut comprendre: si le; roi compte sur cette armée, croit pouvoir s’appuyer sur elle. Je me fais fort démon ami, signifiait donc, au temps de Corneille: je suis certain de l’appui que mon ami me prêterait à l’occasion. .MM. Aimé Martin, Marty-Laveaux et Ciodefrov le démontrent contre Voltaire. On disait même, en parlant d’une femme, se faire forte de. Lekain sans doute n’avait pas compris ce sens déjà vieilli de la locution, puisqu’il propose cette leçon prosaïque :

Si le roi s’en servait, il s’en trouverait mal.

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