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ACTE III, SCÈNE II 261

��Suivez le Roi, Seigneur, votre ambassade est faite;

Et je vous dis encor, pour ne point vous flatter,

Qu'ici je ne la dois ni la veux écouter. 810

FLAMINIUS.

Et je vous parle aussi, dans ce péril extrême, Moins en ambassadeur qu'en homme qui vous aime, Et qui, touché du sort que vous vous préparez. Tâche à rompre le cours des maux où vous courez.

J'ose donc, comme ami, vous dire en confidence 815

Qu'une vertu parfaite a besoin de prudence, Et doit considérer, pour son propre intérêt, Et les temps où l'on vit, et les lieux où Ton est. La grandeur de courage en une âme royale N'est sans cette vertu qu'une vertu brutale, 820

Que son mérite aveugle, et qu'un faux jour d'honneur Jette en un tel divorce avec le vrai bonheur. Qu'elle-même se livre à ce qu'elle doit craindre, Ne se fait admirer que pour se faire plaindre, Que pour nous pouvoir dire, après un grand soupir : 825 « J'avais droit de régner, et n'ai su m'en servir. » Vous iriitez un roi dont vous voyez l'armée Nombreuse, obéissante, à vaincre accoutumée;

810. Var. Que je ne dois ici ni ne veax l'écooter. (1651-56.)

814. Corneille emploie indifTéremment tàclipr à et tâcher de; mais ici le sens de tâcher à est bien le sens moderne de faire effort pour. — Courez, observe M. Géruzeï,. vient mal après le cours. C'est une légère négligence.

820. rjne vertu brutale, c'est une vertu follement impétueuse et qui ne sait pas se régler. Vertu se rapproche ici du sons latin de virtus, courage.

821. Un faux jour, »ne fausse idée de l'honneur, considéré sous un aspect illu- soire, un faux point d'honneur. Proprement, le jour, c'est la manière dont un objet est éclairé; le faux jour, c'est donc une lumière qui éclaire mal l'objet, ou, au figuré, l'idée qui trompe les yeux ou l'esprit.

L'œil le plus éclairé sur de telles matières

Peut prendre de faux jours pour de vives lamières. (Béraclius, V, 2.)

822. Var. Jette en un tel divorce aveeque le bonheur. (1651-56.)

Divorce, séparation {divortium, divertere) se dit souvent, chez Corneille, de toute discussion entre parents et amis :

Us ont assez longtemps joui de nos divorces. {Hoiace, 299.) Mais il se dit aussi d'un trouble moral quelconque :

Tu mets dans tous mes sens le trouble et le divorce. {Toison, II, 2.)

Ici, il est plus rapproché encore du sens étymologique de séparation, rupture, comme dans ce vers d'Attila (V, 6) :

Tous lei «ens d'avec lui font un soudaia divorce.

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