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2?26 NICOMÈDE

Le seul Flaminius, trop piqué de l'affront 305

Que son père défait lui laisse sur le front;

Car je crois que lu sais que, quand l'aigle romaine

Vit choir ses légions au bord du Trasimène,

Flaminius, son père, en était général,

Et qu'il y tomba mort de la main d'Annibal; 310

Ce (ils donc, qu'a pressé la soif de la vengeance,

S'est aisément rendu de mon intelligence :

L'espoir d'en voir l'objet entre ses mains remis

A pratiqué par lui le retour de mon fils;

300. « Corneille lionne ici, contre \a vérité historique, l'exemple d'une licence qui, à ce que nous croyons, ne doit jamais être imitée. Le Flaminius qu'il intro- duit dans sa pièce n'était point du tout, comme il le suppose, fils du général qui fut vaincu et qui périt à la journée du Trasimène. Ces deux Flaminius n'avaient pas même une origine commune. Celui qui combattit contre Annibal se nommait Caius Flaminius, et sa famille était plébéienne; l'autre, patricien de naissance, se nommait T. Uuintus Flamininus, et fut en effet député à la cour de Prusias pour y demander, au nom des Romains, Annibal, qui s'était réfugié chez ce prince. Corneille, quoique très instruit, fut trompe, selon toute apparence, par la confop mité des noms ; et ce qui nous le persuade, c'est que. lorsqu'il se permet de don- ner volontairement quelque atleinte à la vérité de l'histoire, il ne le dissimule jamais dans l'examen de ses pièces, et qu'il y rend compte des motifs qui ont pu l'autoriser à se donner ci tte licence ; mais on ne trouve rien, ni dans la Préface ni dans l'Examen de Niromède, qui prouve que Corneille ait pu prendre ici quel- que liberté. » (Palissut.)

308. Vit choir, vit succomber. Choir a vieilli, surtout dans ce sens figuré; mais Corneille ne faisait aucune dill'erence entre choir et tomber :

Tont va choir en ma main ou tombir en la vôtre. {Rodogune, 180.)

310. « Supposition gratuite du poète ; l'histoire ne dit point qu'Ânnibal ait tué de sa main le consul Flaminius. Mais on passe aisément sur l'invention, parce que, sans cette circonstance particulière, la défaite et la mort de Flaminius suffi- raient amplement à motiver le ressentiment d'un fils. Ce qui choque davantage, c'est la prétention d'Arsinoé d'être la cause (iremière de la mort d'Annibal, c'est la fausse apologie de Rome, que dément toute l'histoire. Tite-Live est plus sin- cère : Semper talem exitum vitx suse H annibal prospexerat animo, et liomanorum inexpiabile odium in se cernens...; « Liberemus, inquit, diulurna cura pnpidum Romanum, quando morlem senis exspectare longitm censent, » etc. (XXXIX, 51.) Ne dirait-on pas qu'il a pris un remords à Corneille de maltraiter ses chers Romains dans cette pièce, et qu'il veut l-^s relever un peu? Arsinoé se donne trop d'importance et se fait plus criminelle qu'elle ne l'est. Elle pouvait se rendre l'ins- trument des desseins de Rome afin d'en profiter pour elle-même et pour son fils. Mais qu'elle ait pu influer sur la politique du sénat et l'omouvoir à son gré, c'est «ne illusion à laquelle on ne se prêtera pas, pour peu qu'on connaisse l'antiquité. » (Naudet.)

312. S'est aisément rendu de mon tntllligence, est aisément entré dans mes sen- timents, tournure familière à Corneille.

313. « 11 faut un effort pour deviner quel est cet objet : c'est, parla phrase, l'objet de leur intelligence; par le sens, c'est Laodice. >• (Voltaire.) « Voltaire se trompe évidemmont. Objet ne se rapporte point à Laodice, mais à venf/eance, qui n'est pas assez loin pour jeter la moindre obscurité sur la phrase. Flaminius es- pérait de voir l'objet de sa vengeance i Annihal qui a tué son père) remis entre ses mains : tel est le sens très clair de Corneille. » Palissot.)

314. A pratiqué, a ménagé, préparé le retour. Voyez le v. lOOS.

Sous le nom de César pratiquons son retour. {Tite, 30J.)

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