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ACTE I, SCÈNE 1 209

Ni sur l'éclat d'un nom cent et cent fois vainqueur : 9(»

Quelque haute valeur que puisse être la vôtre ,

Vous n'avez en ces lieux que deux bras comme un autre,

Et fussiez-vous du monde et l'amour et l'effroi,

Quiconque entre au palais porte sa tête au Roi.

Je vous le dis encor, retournez à l'armée ; 95

Ne montrez à la cour que votre renommée;

Assurez votre sort pour assurer le mien ;

Faites que l'on vous craigne, et je ne craindrai rien.

��Retourner à l'armée ! ah ! sachez que la Reine

La sème d'assassins achetés par sa haine. 100

Deux s'y sont découverts, que j'amène avec moi

Afin delà convaincre et détromper le Roi.

Quoiqu'il soit son époux, il est encor mon père.

Et, quand il forcera la nature ù se taire.

Trois sceptres à sou trône attachés par mon bras lOo

Parleront au lieu d'elle, et ne se tairont pas.

Mais l'un jul'aulre enfin n'était point nécessairp. (Hacine, Bajaz:t, 081.) Je n'ai point exigi; ni serments ni promesses. (Boileau, Lutrin, IF.) « Ce n'est point ni un ennemi ni un étranger, c'est Judas, ce cher disciple, qui le trahit. >> (iàossuet, Troisième sermon pour le Vendredi saint.)

02. C'est sans doute parce qu'il jugeait, après Voltaire, que ce vers était « de la basse comédie », qu'Andrieu\ le corrige ainsi :

Vous n'avez pas ici plus île pouvoir qu'un autre.

La correction est misérable. Ces prétendues trivialités semblent ici toutes na- turelles : comme chez La Fontaine, les traits sublimes et les traits familiers se lient sans effort. C'est là précisément qu'est l'originalité de Niconiède.

99. Yar. Retourner à l'armée ! Ah '. Mailame, et la Reine... (1G5I-56.)

102. Afin de l'en convaincre et détromper. Sur cette omission de la préposi- tion rfe avant le second inânitif, voyez la note du v. 62.

106. i< Toute métaphore, comme on l'a dit, pour être bonne, doit être une image qu'on puisse peindre ; mais comment peindre trois sceptres qu'un bras attache à un trône, et qui parlent? D'ailleurs, puisque les sceptres parleront, il est clair qu'ils ne se tairont pas. » (Voltaire.) M. Marty-Laveaux repond très jus- tement : n II est surprenant que Voltaire n'ait pas senti tout ce que le second hémistiche ajoute à l'expression. D'ailleurs, ce n'est pas Corneille qui a introduit cette tournure dans notre langue ; elle se trouve dans la Bible [Actes des apô- tres, ch. xvm, verset 9; comparez Ezéchiel, ch. xxiv, verset 27), et a été souvent employée par nos anciens auteurs. On lit dans le livre de Vlnternelle Consola- tion : H Maintenant, je parleray et ne me tairay pas. » Ce qu'on peut critiquer, c'est la métaphore des sceptres attachés au trône ; mais ne se tairont pas n'est nullement un pléonasme, puisque cette fin de vers est la contre-partie de la fin du vers 104. Le sens très clair est, dès lors : quand bien même la nature se tai- rait, trois sceptres conquis par moi parleraient à sa place et ne se tairaient pas, eux du moins. Corneille avait dit déjà :

Deux scpplres en ma main, Albe à Rome asservie, Parlent bien hautement en faveur de sa vie. [Horace, V, 3.)

Si l'on applique une froide critique à l'examen de te's vers, on aboutit à sup-

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