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208 NICOMÈDE

Qu'elle a gardée aux droits de l'hospitalité.

LAODICE.

Mais ceux de la nature ont-ils un privilège 75

Qui vous assure d'elle après ce sacrilège ?

Seigneur, votre retour, loin de rompre ses coups,

Vous expose vous-même et m'expose après vous.

Comme il est fait sans ordre, il passera pour crime,

Et vous serez bientôt la première victime 80

Que la mère et le fils, ne pouvant m'ébranler.

Pour m'ôter mon appui se voudront immoler.

Si j'ai besoin de vous de peur qu'on me contraigne,

J'ai besoin que le Roi, qu'elle-même vous craigne.

Retournez à l'armée, et pour me protéger 85

Montrez cent mille bras tous prêts à me venger.

Parlez la force en main, et hors de leur atteinte :

S'ils vous tiennent ici, tout est pour eux sans crainte ;

Et ne vous flattez point ni sur votre grand cœur,

74. Pour bien comprendre la puissance de cette ironie, il faut se souvenir du caractère sacré dont l'hôte était revêtu chez les anciens. Voyez la Cité antique de M. Fustel de Coulanges.

75. C'est-à-dire ; les droits de la nature (le droit d'ainesse ou plutôt l'affection que Prusias doit à son fils) sont-ils pour vous une garantie, une protection suf- fisante?

Quand le crime d'Etal se mêle an sacrilège.

Le sang ni l'amiUè n'ont plus de privilège. {Polyeucte, III, 3.)

76. Qui vous assure d'elle, qui vous (léfeniic d'elle, vous rassure contre ses entre- prises; après ce sacrilège, après qu'elle a violé les droits sacrés de l'hospitalité.

77. Yar. Non, non, votre reloar, loin de rompre ses conps... (1631-56.)

Loin de rompre ses coups, loin de prévenir, de faire avorter ses entreprises malveillantes. Voyez rompre employé dans un sens analogue au v. 23.

Rompez ses premiers coups; laissez pleurer Pauline. (Polyeucle, 63.) 80. Yar. Et vous serez. Seigneur, la première victime... (1631-56.) 83. Yar. Mais j'ai besoin de vous de peur qu'on me contraigne :

Oui, Seigneur, il est vrai, j'ai besoin qu'on vous craigne. (1051-56.)

De peur qu'on me contraigne, et non qu'on ne me contraigne, comme, aux v. 150 et 187, craindre que n'est pas suivi de ne. Dans ses notes sur Yaugelas, Thomas Corneille recommande l'emploi de la négation dans toutes ces phrases; mais M. Marty-Laveaui remarque que chez Pierre Corneille l'omission de ne dans ces locutions était un parti pris bien arrêté, puisqu'il corrigeait certains vers pour en ôter la négation.

De peur qu'il vous entrnine, il faut un antre appn!. {Othon, 631.) 89. A^e vous flattez point sur : ne comptez point, par une illusion orgueilleuse, sur... Nous supprimerions aujourd'hui la négation avec ni répété; mais les meilleurs écrivains en vers et en prose au xvii" siècle employaient sans scru- pule ce m surabondant.

Madame, mon amour n'emploiera point pour moi

Ni la loi du combat, nf le vouloir du roi. {Cid, 1780.)

Ce n'est point ni mon choix nf l'éclat de ma race

Qui me font, grande Reine, espérer cette place. {Don Sanclie, U9.)

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