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ACTE I, SCENE I 203

Je sais que les Romains, qui l'avaient en otage,

L'ont enlin renvoyé pour un plus dipne ouvrage; 20

Que ce don à sa mère était le prix fatal

Dont leur Flaminius marchandait Annibal ;

Que le Roi par son ordre eût livré ce grand homme,

S'il n'eût par le poison lui-même évité Rome,

Et rompu par sa mort les spectacles pompeux 2a

Où l'etlroi de son nom le destinait chez eux.

Par mon dernier combat je voyais réunie

La Cappadoce entière avec la Bithynie,

21. Ce don à sa mère, ce don fait à sa mère. Sur cette construction des sub- stantifs verbaux, voyez la Grammaire de M. Ghassan^, Cours supérieur.

^\i. Dont, auquel, ne serait plus correct aujourd'hui. — « Cette expression po- pulaire, marchandait, devient ici très énergique et très noble, par l'opposition du grand nom d'Aanibal, qui inspire du respect. " (Voltaire.)

l^ps délateurs vemiant leurs voix et leurs écrits, Viennent <ians son palais marchander les proscrits.

(M. J. Chénier, Tibère, I, t.)

24. « Évifi'r une villi^ par fe piiison est une espèce de barbarisme. Il veut dire : éviter par le poison la honte d'être livré aux Romains. » (Voltaire.) — Eviter Iluma n'équivaut point à l'vitfrunp. vUIp. Rome est ici une sorte d'être moral, qui a sa politique et ses ranrunes. Ne dit-on pas encore Hume pour la papauté? « Rome a parle, la cause est jugée. >. (Pasial, Ppnscp.s-. XXIV, 06 bis.) — « Ici nous voyons une beauté au lieu du barbarisme que Voltaire veut y voir. Il nous s?inbie qu'en dérogeant un peu à l'exactitude que pourrait exiger la prose, Corneille exprime avec tout le feu, toute la vivacité et toute la précision d'un poète ce que' redoutiit Aniiibal et ce qu'il voulut éditer. 11 s'agit des alfronts que lui pré- pav.iieut les Romains, et non de la ville de Rome. Lorsque, dans la Henriade, Voltaire fait dire à Henri IV :

Je ne dcciile point entre Genève et Rome, ce n'est point une ridicule comparaison de ville à ville que ce prince veut faire ; il veut parler des deux religions dont ces villes sont les métropoles. » (f'alissot.)

25. Ici, comme aux v. 70 et 280, rompre a le sens de prévenir, empêcher une chose d'être exécutée. C'est ce que ne voit pas Voltaire, qui explique interr.jni- pre. Il faut comprendre : Et prévenu par sa mort la honte d'être traîné à Rome pour y servir de spectacle.

Le Ciel rompt le succès que je m'étais promis. [Cinna, 1580.) n llieu rompit ce dessein impie. » (Bossuet, Politique, VI, 3.) Andrieux cor- rige platement :

Et dérobé sa mort au spectacle honteux

Mais pompeux précise le sens de spectacles, et semble ici voisin de son sens étynic)logique, pompa triw/iphalis. Annibal échappe par le poison à l'humilia- tion de ligurer dans le cortège du triomphateur. Corneille a dit ailleurs :

Seigneur, ne donnez point de prétexte à César

Pour attacher l'Egypte aux pompes de son char. (Pompée, II, 4.)

26. Où, auxquels. On trouve dans le théâtre classique d'innombrables exemples de o)( tenant la place du relatif précédé d'une préposition. Voir dans Nicomède même les v. 274, 323, 853, 1006, 1111, 1438. — L'effroi de son nom, l'effroi que son nom leur inspirait.

28. <i Cette conquête éphémère de la Cappadoce fut faite, il est vrai, par Nico-

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