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AU LECTEUR 195

.J'ai fait ce dernier amoureux de Laodice, afin que l'union d'une couronne voisine donnât plus d'ombrage aux Romains, et leur fit prendre plus de soin d'y mettre un obstacle de leur part^ J'ai approché^ de cette histoire celle de la mort d'An- nibal, qui arriva un peu auparavant chez ce même roi, et dont le nom n'est pas un pelit ornement à mon ouvrage. J'en ai fait Mcomède disciple, pour lui prêter plus de valeur et plus de fierté contre les Romains; et, prenant l'occasion de l'am- bassade où Flaminius fut envoyé par eux vers ce roi, leur allié, pour qu'on remît entre leurs mains ce vieil ennemi de leur grandeur, je l'ai chargé d'une commission secrète de traverser ce mariage, qui leur devait donner de la jalousie. J'ai fîiit que, pour gngner l'esprit de la Reine, qui, suivant l'ordinaire des secondes femmes, avait tout pouvoir sur celui de son vieux mari, il lui ramène un de ses tils, que mon au- teur m'apprend avoir été nourri à Rome. Cela fait deux elfeis ;' car, d'un côté, il obtient la perte d'Annihal par le moyen de cette mère ambitieuse, et, de l'autre, il oppose à Nicomède un rival appuyé de toute la faveur des Romains, jaloux de sa gloire et de sa grandeur naissante^.

Les assassins qui découvrirent à ce prince les sanglants

fous deux a^ec Attale; qu'il s'ensuivit une guerre du roi de Pergame , allié de iSicomede, contre Prusias. lequel fut livre avec sa capitale, et tué dans un temple de Jupiter par des soldils de son fils Nironiède.

« Prusias se montra tout à fait indigne de la majesté royale, par les honteuses flatteries que, pendant tonte sa vie. il ne cessa d'adresser aux puissants du jour, Des envoyés de Rome s'etant rendus près de lui, il déposa les insignes de la royauté, la pourpre et le diadème, et, travesti en esclave nouvellemen't affranchi, il sortit à leur rencontre, la tête rasée, portant le bonnet blanc, la tunique et la chaussure d'esclave. En saluant les députi-s, il se donna le nom d'alirani-hi, expression si ignoble qu'il serait difficile d'en trouver une plus vile. 11 s'était d'ailleurs rendu coupable, avant cette époque, de bien d'autres bassesses. Entré dans le sénat, il s'arrêta près de la porte en face de l'assemblée, et, les mains baissées, il se prosterna devant les sénateurs assis, en prononçant cette excla- mation : Il Salut, dieux sauveurs! » exclamation qui métrait le comble à la plus honteuse tiatterie, et indigne tout à fait d'un homme. Le discours qu'il tint dans le sénat fut si ignoble qu'on aurait honte de le rapporter. Choqués de tant d'ab- jection, les sénateurs firent la réponse que méritaient des flatteries semblables ; car les Romains ne cherchent à vaincre que des ennemis magnanimes. Le roi Prusias était détesté des Bithyniens, qui le méprisaient parce qii'il avait le visage difforme et le corps affaibli par le liue. Nicomede. après avoir battu l'armée de son propre père, le tua dans le temple ou ce malheureux roi s'était réfugié, et ce ne fut que par un meurtre aussi impie que Nicomède s'empara du pouvoir et monta sur le trône de Bithynie. (Diodore, Fragm" des livres XXV, XXXII, trad de Miot. t. VII.)

1. C'est ce qu'explique Arsinoé dans la scène 5 de l'acte I".

2. On dirait aujourd'hui j'ai rapproché.

3. Tout ce passage fait comprendre l'art profond que Corneille met au service de ses beaux dons naturels. On y voit, pour ainsi dire, travailler sous nos yeux son grand et ingénieux esprit ; "on l'y voit créer en renouvelant tout ce qu'il imite.

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