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INTRODUCTION 177

§on orgueil ne permettra pas qu'on lui en fasse l'aumône. Hiifin, iNicomède pardonne et oublie : tout n'est donc pas perdu sans retour; avec reconnaissance elle accepte de vivre et de régner encore.

Loin de gâter le portrait, ces ombres le complètent. Pas plus que Prusias, Arsinoé n'est un monstre. On se la repré- sente plutôt comme une femme à la fois très lialjile et un peu faible, qui a de la gràci', mais une grâce un peu mure; qui a de l'esprit, mais un esprit qui tourne vite à l'aigre; de la volonté, mais une volonté qui en rencontre une plus forte qu'elle et, dans le conflit, se brise. Toutefois c'est l'odieux qui dominerait si elle n'était que reine et mère. Aux côtés de Prusias, son mari sénile, elle apparaît dans son vrai jour, fé- line et fausse autant que méclianle, mais enveloppant sa méchanceté d'une hypocrisie doucereuse qui en relève la saveur. Elle a pris des leçons d'Araspe, et sait comme lui l'art d'accuser en louant; mais, comme elle est femme, elle a de beaucoup dépassé son maître. Dans la situation (lifficile oii Prusias se trouve placé entre son fils, un fils redoutable, et sa femme, la tâche de celle-ci n'est pas si aisée qu'il semlile tout d'abord. Le vieux roi aime à se laisser gouverner par elle, mais en conservant l'illusion qu'il gouverne. Arsinoé lui laisse celte satisfaction inolfensive, et se garde de le heurter de fi'ont. A quoi bon? elle sait tant de (léfours, et si séduisants! A ne considérer les choses qu'au point de vue de l'art, l'acte d'accu- sation, sous forme de plaidoyer, qu'Arsinoé construit d'une main si preste, au quatrième acte, est vraiment un pur chef- d'œuvre. Nicomédc lui-même semble l'admirer en connaisseur et se piquer d'émulation pour y répondre dignement.

Quelle souplesse d'alliludes! quelle vaiiété de Ions! quelle richesse d'insinuations peilides, il'arguments à double tran- chant, de larmes opporlunes savamment distribuées! Ici, c'est la reine qui se dresse dans sa tierté, c'est l'ennemie ma- gnanime qui a gardé seulement le souvenir des services ren- dus à ri-'tat et répond aux bienfaits par des injures; plus loin, c'esl la mère qui proteste de son désintéressement avec une émotion iliscrète; c'est surtout la femme qui associe étroite- ment la cause de son mari et la sienne, si bien que toute olfense faite à l'un des deux semble les frapper tous deux en- semble; c'est la femme tendre, éplorée," résignée tour à tour. Comment Prusias ne se sentirait-il pas enlacé dans les mailles souples et fortes de cette diplomatie féminine? Elle connaît à merveille ses points faibles, et y appuie à propos. Ainsi, il n'aime point qu'on rappelle les exploits gênants de son fils : elle y insistera longuement, avec une complaisance qui sem-

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