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Il6 NICOMEDE

ver qu'Arsinoé se joue de sa crédulité lorsqu'elle pOusSô l'ironie au delà de toute mesure :

��Et n'appréhendez point Rome ni sa veuscauce ; Contre tout son pouvoir il a trop de vaillance : 11 sait tous les secrets du fameux Annibal, De ce héros à Rome en tous lieux si fatal, Que l'Asie et l'Afrique admirent ravantape Qu'en tire Antiochus, et qu'en reçut Carthage ' !

Oui, la mai'àtre qui fait bon marché de la liberté, de la vie d'un Nicomède, la créature des Romains, qui a voué, pour ainsi dire, son fils au Jupiter du Capitole, qui se garde d'avoir une autre volonté que celle de Flaminius, qui surveille avec inquiétude les pi'emiers symptômes d'une révolte honnête dans l'àme de son Attale, qui, tiompée par lui après l'avoir trompé, applaudit de si grand cœur à ce qu'elle croit un retour à la saine raison, c'est-à-dii'c au pur scepticisme, oui, la femme sans droiture qui triomphe dans les intrigues, la souveraine altiére qui professe un mépris si profond et de la morale vulgaire et des sentiments de la populace, oui, la digne épouse de Prusias pouvait exciter la terreur au moins autant que le mépris ; mais le poète, d'une main légère, a écarté la terreur, et du mépris même il n'a laissé subsister, pour ainsi dire, que ce qui pesait le moins à l'âme. Ciéopàtre est d'une scélératesse trop suivie, trop achevée, sans défail- lances, d'une scélératesse tout unie et monotone. Arsinoé, qui est plus femme, a ses faiblesses. Elle met une sorte de coquetterie à braver, même inutilement, ses adversaires ; elle a trop de confiance peut-être en la toute-puissance de son autorité conjugale et maternelle, puisque Prusias se cache d'elle pour traiter avec Mcomède et qu'Attale, le naïf Attale, la dupe ; elle, si froide et si sûre d'elle-même tant qu'elle poursuit l'exécution d'un plan tracé, elle manque visiblement d'équilibre et de sang-fioid en face de certaines circonstances graves qu'elle n'a pas prévues. Le jieuple la menace ; que lui fait ce troupeau? Voici pourtant que Haminius déclare la sédition dangereuse ; Flaminius a raison, et Arsinoé s'inquiète aussitôt de ce qu'elle méprisait tout à l'hpure. Tantôt elle manque de tête et de résolution à la vue du péril qui s'ac- croît ; tantôt, quand la partie semble décidément perdue, elle est prête à mourir. Qu'est la vie pour elle sans le pouvoir?

1. Nicomède, IV, 2.

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