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INTRODUCTION 167

à le déposséder à son tour, qui ne consent enfin à le faire que pour sauver sa vie menacée, et qui, devant son père pri- sonnier, se sentant « encore fils », tlécliit les genoux avec respect, trop heureux s'il obtient le pardon paternel en échange du sceptre rendu. Il est curieux d'observer que le Sii'oès de Ilolrou, pas plus que le Nicomède de Corneille, n"a gardé sa pliysionomie hislorique : car l'iiistoire assure que Siroès laissa mourir son père de faim. Mais, en transformant cette figure, llotrou l'a faite plus touchante que vraiment grande. En même temps l'intérêt s'est amoindri, et le drame n'a plus celte haute portée historique qui dislingue l'œuvre cornélienne. Siroès est déjà marié, et la pâle Narsée, son épouse, est incapable d'inspirer de l'inquiétude aux Romains qui, d'ailleurs, sont ici du parti de l'héritier légitime. Tla- niinius aussi a changé de camp ; il s'appelle le satrape Pal- miras, politique audacieux et sans scrupules, qui pousse en avant Siroès, le fournit de maximes d'Etat pour excuser toutes les représailles, et soutient dans les épreuves son courage cbancelant. C'est entre Palmiras et Sira que cette tragique partie se joue, par-dessus la tèle du père et des deux fils.

Le souhait de Voltaire semble cependant réalisé en partie : car Sira meurt avec la même intrépidité farouche que Cléo- pàtre dans Rodogune. Prévenue par Siroès qu'elle avait donné ordre d'arrêter, arrêtée elle-même, contiainte de boire le poison qu'elle avait préparé pour son ennemi, elle dédaigne de s'abaisser à la prière :

Jloi, lâche! moi le craindre au point de le prier! ]Moi qui porte un cœur libre eu un corps prisonnier! Jloi (le quelque terreur avoir l'âme saisie, Après que sous mes lois j'ai vu trembler l'Asie, Et qu'on a vu mon saug, fertile en potentats. Avec tant de splendeur régner sur tant d'Etats! Après le vain eti'ort de la rage et des armes, Tenter pour le toucher des soupirs et des larmes 1 Que mou tils dépendît, devant donner la loi, Et qu'il vécût sujet, ayant pu mourir roi!... J'ai juré de périr ou voir régner mon fils; '

Et si la liberté m'était encore offerte. J'en emploierais pour lui tout l'usage, à ta perte... Tyran, délivre-moi de l'horreur de tes yeux; Chaque trait m'en punit, chaque regard m'en tue. Et mon plus grand supplice est celui de ta vue.

Elle aussi, Arsinoé, songe à mourir en bravant Nicomède vainqueur ; mais c'est qu'elle voit la situation désespérée et

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