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est coramunicalif, et les âmes comme celles de Laodice su laissent vite- gagner par cette contagion. Elle reste encore femme, sans doute, par sa finesse moqueuse, par la secrète conscience et le secret orgueil qu'elle a du pouvoir de sa beauté; mais les traits qui nous en font souvenir sont trop rares. Son mérite dramatique le moins contestable , c'est qu'elle crée involontairement le danger de Nicomède. La haine d'Arsinoé pour son beau-fils a certes des motifs plus lointains et plus durables; elle subsisterait quand Laodice aurait disparu. Mais Arsinoé serait impuissante à triompher du jeune vainqueur dont les exploits terrifient Prusias, si elle n'était appuyée dans ses menées par la complicité des Ro- mains. Or, on le sait, ce que Rome redoute et poursuit en Mi- comède, c'est beaucoup moins le soldat prématurément glo- rieux que le futur époux de Laodice, le monarque futur de deux royaumes réunis sous le même sceptre.

On va, il est vrai, jusqu'à nier que INicoméde coure un dan- ger sérieux. M'est-il pas soutenu « par ses exploits et par la faveur du peuple ^ » ? Mais ce sont piéciséniput ses exploits qui sont ses plus grands crimes. Ses soldats sont bien loin pour le défendre ; le peuple même arriverait-il h temps pour le sauver, si Attale laissait au peuple le soin de dénouer le drame? Prusias, ajoute-t-on, est si avili, si petit en face du fils à qui il doit tout, et, d'autre part, si complètement subjugué par sa femme, qu'on ne peut éprouver de crainte bien vive ni pour .Mcomède ni pour Arsinoé. Mais c'est à foice d'être vil qu'il est dangereux; c'est parce qu'il redoute Nicomède libre qu'il est capalde de l'immoler prisonnier. Les plus faibles des hommes sont les plus féroces quand ils ont peur. Serré de près par la populace ameutée, Prusias a ses raisons pour avoir peur, et Arsinoé a les siennes pour n'être point si rassurée. Dans cette lutte implacable elle n'eût point épargné Mcomède ; Nicomède vainqueur l'épargnera-t-il ? et s'il meurt, ne sera- t-il point vengé? C'est en de telles circonstances, assurément critiques, que Prusias songe à faiie voler la tête de Nicomède sur les rebelles qui le veulent pour roi. Qui donc l'en empê- cherait ? Nous sommes en Orient, où l'on ne fait point tant de façons pour supprimer un homme qui gène. Supposons même que la vie de Nicomède ne soit point menacée par un père si peu paternel, Flaminius est là. « Si l'escorte de Fla- minius qui emmène son prisonnier, sa proie, n'était pas ar- rêtée par un obstacle inattendu autant que mystérieux, le successeur d'Annibal tombait au pouvoir de Rome ; Flami-

i. La Harpe, Lycée,

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