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148 KICOMÊDE

de se rendormir dans une contemplalion oisive. Il est vrai, rame est plus agrandie que le cœur n'est touché; les larmes coulent plus rares. Mais quoi ! les larmes sont bientôt taiies : « Cito arescit l'tcryma, prx<erHin in alinis miilis^. » L'admi- ration est une tlamme qui, une fois allumée dans les âmes dignes de la recevoir, ne s'éteint plus.

Oui, nous admirons Nicomede. mais notre admiration n'est point paisible el monotone comme celle que définit et con- damne Lessinir. Et comment le serait-elle? cette pièce est un long combat; non pas un combat entre le devoir et la passion, comme les autres pièces de Cerneille (et c'est l'oripinalité unique de ce drame qu'il puisse se passer de ce genre d'intérêt si éminemment cornélien;, mais un combat enfin, et un combat émouvant, entre ce railleur tragique qui brave en face ses ad- versaires et ces adversaires qui lui prennent son arme propre, l'ironie, moins habiles que lui à la manier, mais non moins agressifs souvent, comme s'ils mettaient leur orgueil à ne pas se laisser vaincre par lui sur ce terrain même. Et ces escar- mouches successives n'ont rien de monotone, rien qui puisse lassera la longue et décourager l'altenlion: car l'ironie d'Ar- sinoé ne ressemble point à celle de Flamimus, ni celle de Fla- minius h celle de Prusias. 11 y a plus ; l'ironie de .Mcomède lui-même varie dans son expression, et, pour ainsi dire, dans sa note, selon la situation où il se trouve placé, selon le carac- tère de l'ennemi qu'il rencontre. Il a l'esprit assez fin pour changer de ton selon les circonstances, mais aussi il a l'humeur assez vive pour oublier parfois le ton que ceitaines circons- tances exigent. Homme déjà fait, mûri de bonne heure par la conscience des lâchetés et des dangers qui l'entourent, il a d'ordinaire la maîtrise de soi qui caractérise l'homme; jeune homme impétueux encore, quand il se laisse entraîner par les « chaleurs de son âge », il est maladroit , presque brutal. Ne voyons donc pas en lui un héros d'épopée, toujours guindé sur le haut style , mais un héros humain, un personnage dramatique, très fort par un côté, un peu faible par l'autre, toujours agissant du moins, et vivant, toujours en lutte contre les oppresseurs, leurs complices et leurs esclaves, toujours en révolte contre toutes les bassesses.

Cela est si vrai, que les critiques les moins hostiles à Cor-

��1. Geoffroy, si classique pourtant, observe que Nicomede, héros d'une créa- tion neuve, n'observe pas le précepte d'Horace : 5i vis me flere... u Pleurer soi- même, ajoute-t-il, n'est pas toujours un snr moven de tirer des larmes des yeux d'nutrui ; souvent c'est inspirer du mépris pour une âme faible, vaincue par la lortuae. »

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