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INTRODUCTION M-;

ils pienaieiil quelqu'un de ses frères ou de ses enfants en otage, ce qui leur donnait le moyen de troubler le royaume à leur fantaisie. Quand ils avaient le plus proche héritier, ils intimidaient le possesseur ; s'ils n'avaient qu'un prince d'un degré éloigné, ils s'en servaient pour animer les révoltes des peuples*. » Ce que Montesquieu érige en loi de la politique romaine, Corneille l'avait deviné par l'intuition du génie et en avait fait le ressort essentiel de son di'ame.

Un roi servile que l'on mène par la peur, une mère ainhi- tieuse qui pour réaliser ses ambitions a besoin de la compli- cité des Romains, un prince ingénu, façonné à l'obéissance dès ses premières années, voilà les alliés que va trouver Flaminius dans son œuvre de division et de lente conquête.

On sait que Corneille, meilleur historien d'ordinaire, a transformé en fils de Caïus Flaminius iNepos, le vaincu du lac Trasimène,ce Titus Quinctius Flamininus, diplomate sceptique et lettré, qui rendit si généreusement à la Grèce la libellé dont elle ne savait plus jouir. C'est Flamininus qui ballit à Cynoscéphale Philippe de Macédoine et reçut en otage son fils IJémétrius. En ménageant à Rome un autre Démélrius dans la personne d'Atlale, en combattant Nicomède, petit-fils de l*liilippe par sa mère 2, il ne fait que continuer en Asie l'en- treprise commencée en Europe. C'est Flamininus encore qui arracha au débile Prusias la mort d'Aimibal, qui le mau- dissait en mourant : « Nec magnam nec mcinorubUem ex inerini proditoque Flamininus victoriam fcret^. » Lorsqu'il s'acharnera donc ici à la perte du disciple d'Annibal, il sera dans la logi- que de son rôle. Tel est le Flamininus de l'histoire et aussi celui de la tragédie; il n'y a rien de commun entre ce patri- cien et la famille plébéienne du consul Flaminius. L'erreur, à coup sûr, n'est pas volontaire ; s'il eût sciemment alléré l'his- toire sur ce point, Corneille eût été le premier à le déclarer, sans fausse honte. Mais il faut bien avouer qu'il est peu de fautes plus heureuses. Flaminius n'est plus seulement l'inter- prète impersonnel de la politique du sénat ; il est homme et a ses rancunes ; c'est son père qu'il venge en poursuivant tour à tour Annibal qui l'a tué et Nicomède qui réveille le souvenir néfaste du lac Trasimène. Nicomède prétend être un second Annibal ; comme Annibal, il sera frappé. Aussi voyez avec quelle insistance il rappelle le nom du grand Carthaginois et s'efforce d'identifier le disciple avec le maître. Prusias n'a

��1. Montesquieu, Considérations, eh. yi.

2. Tite-Live, XLII, 12; Appien, Mtthr., 1 ». Tite-Live, XXXIX, 51,

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