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131* NICOMEDE

lorl. Violentez, s'il le faut, les faits et les dates, mais à la coiidilion de donner aux idées un plus haut degré de vraisem-

blancf et do gL'uéralité liuniaine.

Uien d'absolu, dailleurs, dans cette théorie. Corneille dis- tin^'uait, très juslenient, doux catégories de sujets historiques: « Il mêlait beaucoup moins peimis, écrivait-il, dans Horace et dans Pompce, dont les histoires ne sont ignorées de per- sonne-, q;:e dans Rodogune et dans Nicomède, dont peu de gens savaient les noms avant que je les eusse mis sur le théâtre. La seule mesure qu'on y peut prendre, c'est que tout ce qu'on y ajoute à l'hisloire et tous les changements qu'on y apporte ne soient jamais plus incroyables que ce qu'on en conserve dans le même poème'. » Il ne songeait donc pas à dissimuler les libertés qu'il avait prises avec une histoire aussi obscure : « J'ai beaucoup osé dans Nicomède : Pr'usias, son père, l'avait voulu l'aire assassiner dans son armée; sur l'avis qu'il en eut par les assassins mêmes, il entra dans son royaume, s'en empara, et réduisit ce malheureux prùnce à se cacher dans une caverne, où il le fit assassiner lui-même. Je n'ai pas poussé l'histoire jusque-là, et après l'avoir peint trop vertueux pour- l'engager dans un parricide, j'ai cru (]ue je pou- vais me contenter de le rendre maître de la vie de ceux qui le pei'séculaieni, sans le faire passer plus avant... Tout ce qui se passe dans Nicomède est impossible, puisque l'histoir-e porte qu'il fil mournr son père sans le voir, et que ses frères du second lit étaient en otage à Uome lorsqu'il s'empara du royaume 2. » Ainsi, il y a une vérité de fait que Corneille dé- daigne; il y a une vérrté dramatique et psychologique qu'il estime seule, et qu'il s'efforce de rendre vivante aux yeux de l'intelligence.

C'est dans cet esprit qu'il recueille, fond et tr^ansforme les documents que l'histoii-e lui transmet. Il ne suffit donc pas de dir'e, avec M. Naudet : « Justin fournit l'idée; les figures sont empruntées à Tite-Live, Polybe, Appien. » Au fond, la matière était ingrate, et Cor-neille sut la féconder; mais il ne la féconda qu'en la faisant tout à fait sienne. « C'est une créa- tion singulièrement heureuse, écràt M. Géruzez^, et l'on se demande avec surprise par quelle magie le poète a pu d'une page obscure et comme d'un recoin caché de l'histoire de Bithynie faire jaillir un tableau complet de l'abaissement des rois d'Asie sous l'ascendant de Rome et le développement

��1 . Discours de la tragédie.

2. Ibidem.

3. Histoire de ta littérature françaite.

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