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SUR DON SANCHE D'ARAGON Mo

rompue par la reiue; et quand même elle s'achèverait par la perte de sa vie, la mortd'uu euuemi par uu eiioemi n'a rieu de pitoyable ni de terrible, et par couséqueut rieu de tragique. Il a de grands déplaisirs, et qui semblent vouloir quelque pitié de nous, lorsqu'il dit lui-même à une de ses maîtresses :

Je plaindrais un amant qui souffrirait mes peines ' ;

mais nous ne voyous autre chose dans les comédies que des amants qui vont mourir, s'ils ue possèdent ce qu'ils aiment, et de sem- blables douleurs ue préparent aucun effet tragique ; ou ne peut dire qu'elles aillent au-dessus de la comédie. 11 tombe dans l'unique malheur qu'il appréhende : il est découvert pour fils d'un pécheur; mais, en cet état même, il n'a garde de nous demander notre pitié, puisqu'il s'offense de celle de ses rivaux. Ce n'est point un héros à la mode d'Euripide, qui les habillait de lambeaux pour mendier les larmes des spectateurs; celui-ci soutient sa disgrâce avec tant de fermeté, qu'il nous imprime plus d'admiration de son grand courage que de compassion de sou infortune. Nous la craignons pour lui avant qu'elle arrive; mais cette crainte n'a sa source que dans l'intérêt que nous prenons d'ordinaire à ce qui touche le premier acteur, et se peut ranger inter communia utriiisque dra- matis, aussi bien que la reconnaissance qui fait le déno lement de cette pièce. La crainte tragique ne devance pas le malheur du hé- ros, elle le suit ; elle n'est pas pour lui, elle est pour nous ; et se produisant par une prompte application que la vue de ses mal- heurs nous fait faire sur nous-mêmes, elle purge en nous les pas- sions que nous en voyons être la cause. Enfin je ue vois rien en ce poème qui puisse mériter le nom de tragédie, si uous ue voulons nous coutenter de la définition qu'eu donne Averroès 2 qui l'appelle simplement « un art de louer ». En ce cas, uous lui pourrons dénier ce titre sans nous aveugler volontairement, et ne vouloir pas voir que toutes ses parties ne sont qu"une peinture des puissantes impressions que les rares qualités d'un honnête homme fout sur toutes sortes d'esprits, qui est mie façon de louer assez ingénieuse et hors du commun des panégyriques. Mais j'aurais mauvaise grâce de me prévaloir d'uu auteur arabe, que je ne

1.' Acte II, se. 4.

t. Averroès, célèbre médecin et philosophe arabe du xii» siècle, commenta les livres d'Aristote.

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