Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/109

Cette page n’a pas encore été corrigée

SUR DON SANCIIE D'ARAGON 97

rafliuée : c'est lui qui s'empresse de l'ecoauaitre à la reiuo le droit de choisir uq roi euti'c tous ; c'est lui qui, avec le même bon goût, avoue que don Manrique et lui doivent la liberté ù Carlos ; c'est lui enfin qui, lorsque l'anneau royal est confié à Carlos, interroge et raille sans trop d'aigreur le nouveau favori. Moins franc, d'es- pi'it moins vif et moins ouvert, le soupçonneux don Maurique dai^nie accepter, d'assez mauvaise grâce, la condition qu'impose la reine; mais, eu l'acceptant, il tient à faire entendre que le roi choisi par elle lui devrait peu de reconnaissance pour son choix, puisque les États du royaume l'auraient d'abord désigné. Sou outrecui- dance est rare : il ne semble même pas soupçonner qu'on puisse lui préférer quelqu'un. Nul plus que lui n'est indigné de l'audace de Carlos, » un soldat ». Nul ne moutre plus ouvertement et plus maladroitement son dépit lorsque la reine demande ù. Carlos le récit de ses exploits, lorsque Carlos rappelle les services qu'il a ren- dus à don .Manrique lui-même, lorsque, par un coup de théâtre inattendu, il est égalé aux plus grands seigneurs d'Espague. Jus- qu'au dernier moment il insiste, il proteste, avec une obstination plus qu'indiscrète, avec une rage froide et sèche qu'on devine et dont on jouit comme en devait jouir Carlos. Pour don Alvar, se- crètement épris d'Elvire, il ne prétend à la main d'Isabelle que parce qu'il a été choisi par les États ; désintéressé en ce débat, il acceptera son échec avec une résignation facile, et Isabelle le raille doucement de celte sérénité, dont elle a pénétré le motif.

Tels ils sont dans ces deux scènes, tels ils demeurent dans la courte scène qui termine le premier acte : don Lope ironique et fier, don Manrique plus impérieux et plus irrité que jamais, don Alvar plus que jamais paisible. Lui seul ne voit pas en Car- los un ennemi, et lui seul pourtant consent à répondre au défi de Carlos. C'est que lui seul a l'âme assez haute pour s'élever au-dessus des préjugés de la naissance; tandis que ses deux rivaux refusent de « se commettre » contre un aventurier, lui vante la générosité de ce grand courage qu'il est digne de com- prendre.

D. ALVAR.

Je vais donc disputer, sans que rien me retarde. Au marquis don Carlos cet anneau qu'il nous garde; Et si sur sa valeur je le puis emporter. J'attendrai de vous deux qui voudra me l'ùler : Le champ vous sera libre.

�� �