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82 POMPEE

Et les mille talents qui lui sont encor dus

Remirent en nos mains tous nos États perdus.

Le roi, qui s'en souvint à son heure fatale,

Me laissa comme à vous la dignité royale,

Et par son testament il vous fit cette loi 315

Pour me rendre une part de ce qu'il tint de moi.

C'est ainsi qu'ignorant d'où vint ce bon office,

Vous appelez faveur ce qui n'est que justice.

Et l'osez accuser d'une aveugle amitié

Quand du tout qu'il me doit il me rend la moitié. 320

PTOLOMÉE.

Certes, ma sœur, le conte est fait avec adresse.

CLÉOPATEE.

César viendra bientôt, et j'en ai lettre expresse;

Et peut-être aujourd'hui vos yeux seront témoins

De ce que votre esprit s'imagine le moins.

Ce n'est pas sans sujet que je parlais en reine. 325

Je n'ai reçu de vous que mépris et que haine;

Et de ma part du sceptre indigne ravisseur,

Vous m'avez plus traitée en esclave qu'en sœur;

Même, pour éviter des effets plus sinistres,

Il m'a fallu flatter vos insolents ministres, 330

Dont j'ai craint jusqu'ici le fer ou le poison.

Mais Pompée ou César va m'en faire raison.

Et, quoi qu'avec Photin Achillas en ordonne,

Ou l'une ou l'autre main me rendra ma couronne.

Cependant mon orgueil vous laisse à démêler 335

Quel était l'intérêt qui me faisait parler.

311. Voyez la note du v. 135.

313. Son heure fatale, l'heure marquée par le destin poar sa mort. Les Latins disaient fatalis dies, les Grecs, ^ £Înap;ji£vYi, ^ it£xs<ii;i£vir) (f,|*Épa). De même les écrivains français disent : la journée fatale, l'instant fatal, le terme fatal, etc.

316. Var. Et par son testament, qni doit servir de loi.

Me rendit ane part de ce qn'il tint de moi. (1644-1656.)

Les Commentaires parlent aussi de ce testament, dont une copie était à Rome chez Pompée : « In testamento Ptolemaei patris heredes erant sfripti ex dunbus Cliis major et ex duabus ea quœ aetate antecedebat. Haec uti Ocrent, per omiies deos perque fœdera quse Romae fecisset, eodem testamento Ptolemaeus populum romanum obtestabatur. »

322. J'en ai lettre expresse, j'ai sur ce point une lettre formelle. On dit plus souvent une réponse expresse, des mots ou des ordres exprès; mais Corneille dit aussi : une prière expresse (Sophonisbe, l, 2), une parole expresse, qui ne laisse place à aucun doute (Ibid., IV, 3).

326. u On ne reçoit point haine. » (Voltaire.) « On ne dit point je n'ai reçu que haine; mais l'irrégularité est sauvée par oe qui précède ; je n'ai reçu da TOUS que mépris. » (Palissot.)

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