ACTE I, SCÈNE I 65
Et je puis dire enfla que jamais potenlat N'eut à délibérer d'un si grand coup d'Etat.
PHOTIN.
Seigneur, quand par le fer les choses sont vidées, La justice et le droit sont de/vaines idées; 50
- Et qui veut être juste en de telles saisons
Balance le pouvoir, et non pas les raisons.
Voyez donc votre force, et regardez Pompée, Sa fortune abattue, et sa valeur trompée. César nest pas le seul qu'il fuie en cet état : 55
Il fuit et le reproche et les yeux du sénat, Dont plus de la moitié piteusement étale
47. Yar. Et jamais potentat n'a va sons le soleil
Matière plas illustre agiter son conseil. (16*4-1658.)
48. On disait, au xvii» sièf^le, en délibérer, délibérer de, où nous écririons plus volontiers aujourd'hui délibérer sur :
N'en délibérons plus, celte pitié l'emporte. {Cinna. 621.) C'e^t fie quoi le sénat pourra délibérer. (Nicoméde. V, 10.)
49. Chose avait dans la langue de Corneille la signiOcation très étendue et un peu vague du latin res, negotia. Selon Voltaire, on vide un procès, une que- relle, on ne vide pas une cliose. Mais ne dit-on pas aussi vider une affaire, des aff'aires, et même, avec Molière, « vider des intérêts » {Misanthrope, V, 6)? La locution de Corneille a un sens analogue : quand par le fer les choses sont vidées, cela revient à dire : quand les intérêts qui sont débattus sont réglés, tranchés, décidés par les armes.
50. Be vaines idées, de vains fantômes, des apparences, des images sans réa- lité. C'est aussi ce que dit à Perpenna, au début de Sertorius, Aufide, ce Photio plus effacé :
Avez-voQs onblié cette grande maxime
Que la guerre civile est le règne du crime.
Et qu'aux lieux on le crime a plein droit de régner
L'innocence timide est seule à deitaigner?
L'honneur et la vertu sont des noms ridicules.
51. En de telles saisons n'est pas uniquemunt pour la rime, quoi qu'en pense Voltaire; saison se prend pour moment, circonstance, occasion favorable, et l'on ne voit point pourquoi l'on ne dirait pas au pluriel en de telles saisons, pour : en de telles circonstances.
52. Balance le pouvoir, n'examine qu'une chose, s'il a le pouvoir, et non pu s'il a le droit de faire telle chose. Balancer, c'est peser, au figuré comme %a propre :
Je sinrai balancer et le mal et le bien (Rotroa. Agésilat, JH, 3.) Je sais qu'on doit toujours balancer l'éqnité... {Jbid. )
53. Metiri sua reqna decet, viresque fateri. (Lueain. VIIL B27.)
57. P teusemenl, de manière à inspirer de la pitié, comme pitoyable signifiait capable ou digne de pitié; du temps de Corneille même, ce mot ne s'employait plus qu'assez rarement dans le style élevé ; il est familier aujourd'hui, et cora« porte toujours une nuance d'ironie ou de dédain. — Etaler, c'est, au propre, exposer, p-ésenter, déployer largement devant les yeux un spectacle extraordi- naire en général :
Les spectacles pompeox que ces bords noas étalent. (Racine, Iphiginie. t,l>)
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