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62 POMPEE

Ses fleuves teints de sang, et rendus plus rapides 6

Par le débordement de tant de parricides,

Cet horrible débris d'aigles, d'armes, de chars,

Sur ses champs empestés confusément épars,

Ces montagnes de morts privés d'honneurs suprêmes,

Que la nature force à se venger eux-mêmes, 10

Et dont les troncs pourris exhalent dans les vents

De quoi faire la guerre au reste des vivants.

Sont les titres affreux dont le droit de l'épée,

Justifiant César, a condamné Pompée.

emphatique, de la bataille de Pharsale, livrée dans les plaines de la Thessalie, l'an 705 de Rome. — Pharsale a décidé, expression remarquable, mais conforme à ce sens étymologique île décider (de-cxdere), trancher une question; c'est par extension seulement que décider a voulu dire résoudre. Au xvi» siècle, plusieurs auteurs donnent encore à décider son sens propre de couper, trancher : « A ceste fin, chasciin membre, du plus précieux de son nourrissement, décide et rongne une portion. » (Rabelais, III, 4.)

6. Vaugelas remarque que ce terme de parricide peut s'appliquer à tout crime énorme et dénaturé, en particulier — et c'est le cas ici — aux attentats contre la patrie.

7. Débris, reste d'une chose brisée, s'emploie aujourd'hui plus rarement au singulier; on le prenait alors au sens pvopre et au sens figuré :

Et cet asile ouvert aux illustres proscrits

Réunit 'lu sénat le piécieux débris. {Scrtorius, S2.)

Et fais-nous, triomphants, marcher sur le débris 1

Des orgueilleuses tours d'Hector et de Paris. (Rolrou, Iphigénie, V, 3.)

9 Ceriiit propulsa cruore

Flumina. et cxcelxos cumuUs sequantia colles

Corpora, sidentes in tabem spectat acervos. (Lueain, Vil, 789-91.)

Ce n'ost point ce passage, c'est lev. 052 du même chant, « tôt corpora fusa», que Brébeuf a traduit par le vers qu'a ridiculisé Boileau : De morts et de mourants cent montagnes plaintives.

11. Dans les vents, dans les airs :

L'un, sur nn roc assis, Chantait aux vents ses amoureux soucis. (La Fontaine.)

12. De quoi, c'est-à-dire : des émanations assez empestées pour...

Par ce triste poison les vents sont infectés.

Les airs sont corrompus, et les cieux empestés. (Brébeuf.)

Il est superflu de faire remarquer combien cette tirade est emphatique et d'un goût équivoque. C'est un de (es morceaux à elfet tels que les aimaient les poètes latins de la décadence. Au reste, si l'on en croit Fontenelle, Corneille avait tra- duit lui-même toute cette première scène en vers latins « du style de Sénèque le Tragique, pour lequel il n'avait pas d'aversion, non plus que pour Lueain ». Il faut reconnaître pourtant que si ce début prête à bien des critiques, il n'est pas inutile, au point de vue dramatique, quoi qu'en pense Voltaire : nous som- mes, en effet au lendemain de Pharsale, et ce sont les conséquences de la délaite de Pompée qui vont se dérouler devant nos yeux.

13. Dont,p-Ar lequel, tour familier à Corneille. — Le droit de l'épée, « ferrijus ». (Lueain, V, 387.)

14. Var. .TustiSe César et condamne Pompée. (i6M-16E6.)

Dans l'édition de 1660. CoroeiUe a corrigé ce que nous regarderions aujour-

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