AU LECTEUR
��Si je voulais faire ici ce que j'ai fait en mes derniers ou- vrages, et te donner le texte ou l'abrégé des auteurs dont cette histoire est tirée, afin que tu pusses remarquer en quoi je m'en serais écarté pour l'accommoder an théâtre, je ferais un Avant-propos dix fois plus long que mon poème, et j'aurais à rapporter des livres entiers de presque tous ceux qui ont écrit l'histoire romaine. Je me contenterai de t'avertir que celui dont je me suis le plus servi est le poète Lucain, dont la lec- ture m'a rendu si amoureux de la force de ses pensées et de la majesté de son raisonnement i, qu'afln d'en enrichir notre langue, j'ai fait cet effort pour réduire en poème dramatique ce qu'il a traité en épique. Tu trouveras ici cent ou deux cents vers traduits ou imités de lui. J'ai tâché de le suivre dans le reste, et de prendre sou caractère quand son exemple m'a manqué : si je suis demeuré bien loin derrière, tu en jugeras. Cependant j'ai cru ne te déplaire pas, de te donner ici trois passages qui ne viennent pas mal à mon sujet. Le premier est un épitaphe^ de Pompée, prononcé par Caton dans Lucain. Les deux autres sont deux peintures de Pompée et de César, tirées de Velleius Paterculus. Je les laisse en latin, de peur que ma traduction n'ùte trop de leur grâce et de leur force; les dames se les feront expliquer ^.
1. L'eng-ouement pour Lucain était général au xvii» siècle; on eiv peut juger par l'ompiiase de la préfuce de Brébeuf : « La Pharsale a des beautés qui sont au-dessus de l'imitation, et ret auteur excellent a des raisonnements si bienpiussés et des conceptions si hautes qu'il est bien malaisé de suivre de près uu homme qu'on ne peut pas aisément suivre de vue. »
t. Vaugelas et Ménage constatent que ce mot a les deux genres, mais qu'on emploie surtout le féminin, malgré l'étymologie, epitaphium.
Je n'ay plus qu'à mourir, mon Épitaphe est faict.
{Suite :'.. .uMteur, I, vi.)
3. Dans une lettre à Scudéry, relative au Cid, Balzac cite un jugement de Sénèque, et écrit : « Je vous le laisse interpréter à vos dames, pour lesquelles vous avez bien entrepris une plus longue et plus difficile traduction. » Il est vrai que certaines dames lisaient et comprenaient le texte même, comme M""* de Sévigné et de Lafayette, èièves de Ménage.
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