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48 POMPÉE

créatures de Richelieu * ; il suffît de lire les scènes où, tantôt hautaine, tantôt railleuse, elle remplit de terreur ou de con- fusion le frère qui a usurpé sa part du trône. Comme elle est froide et ne s'abandonne pas, elle garde sa présence d'esprit tout entière. De là sa supériorité sur ceux qui se laissent entrai- ner par la passion, A ce point de vue la scène II de l'acte III est pour elle l'occasion d'un facile triomphe ; sa finesse mali- cieuse, son ironie légère ont vite raison de la diplomatie maladroite d'un Ptolomée. Elle aime à répéter qu'elle a de l'ambition "^j et que l'ambition est « la seule passion digne d'une princesse » ; mais elle a le droit d'en avoir, puisqu'elle a les deux qualités maîtresses du politique : la suite dans les idées et la pleine possession de soi-même.

Seulement, on ne peut nier que cet amour ambitieux ne soit un peu froid. Si Cléopâtre se contentait d'aimer et d'être aimée, elle formerait un contraste plus saisissant eucore avec l'austère Cornélie : car il est superflu de faire remarquer quelle distance il y a de cette souple Orientale à cette Romaine stoïque. L'une est le mauvais génie, l'autre le bon génie de César : dès qu'il est auprès de Cléopâtre, il n'est plus qu'un homme médiocre et maniéré ; il redevient sans effort un héi'os dès qu'il est auprès de Cornélie. De toute façon et à prendre son caractère dans son ensemble, il n'est pas un héros com- plet, et demeure inférieur à Cornélie, uniquement vouée à l'accomplissement de son devoir. C'est Pompée qui, vivant ou mort, domine les deux premiers actes ; c'est Cornélie qui anime les trois derniers, et Cornélie c'est encore Pompée. Mais que sont-ils tous deux, sinon la personnification de Rome libre, qui défend sa liberté menacée ?

Telle est cette tragédie, plus forte qu'entraînante. Geoffroy nous semble en avoir assez bien résumé les défauts et les mérites quand il a écrit : « La Mort de Pompée, l'un des moins réguliers des chefs-d'œuvre de Corneille, est un de ceux qui portent le plus l'empreinte de sou génie créateur, >»

1. Corneille inconnu, 3* partie, ch« tt» t. Acte II, M. I et m.

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