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qu'elle est compatible avec les plus nobies impressions. Nos doucereux et nos enjoués sont de contraire avis K »

Les doucereux et les enjoués avaient peut-être raison con- tre Corneille. S'il s'était borné à soutenir que le héros tra- gique, tel qu'il le concevait, âme extraordinaire et parfois surhumame, ne doit pas se laisser troubler par la passion au ^ouit d'oublier son devoir, nous l'aurions compris, et, en tout «as, nous l'aurions jugé d'accord avec lui-même. Mais dire que l'amour doit servir de simple ornement au drame, c'est inconséquence, car le héros passionné est un héros tragique ; le héros galant n'est qu'un héros de roman. On ne fait pas ainsi sa part à la passion, on ne réglemente pas ce qui échappe à toute règle. Parti de ce principe contestable, Cor- neille a créé, surtout dans les pièces qui suivirent, toute une série de héros qui se croient obligés d'être amoureux à leurs heures, on pourrait presque dire à leurs moments perdus. Voyez César : avant le troisième acte, nous savons seulement de lui qu'il est l'amant, le « captif » de Cléopàtre, et que, digne émule des chevaliers errants, il fait hommage à sa maîtresse de ses triomphes. Au troisième acte, il paraît ; mais ce n'est pas un Amadis qui se montre à nous, c'est un citoyen romain qui parle, et parle haut, à un roi barbare, à un esclave couronné de la République. A peine sommes-nous remis de notre surprise que le héros se transforme en dame- ret, et interroge en tremblant Marc-Antoine, transformé, lui aussi, en messager d'amour. Déjà il se précipite pour revoir « cette reine adorable », lorsque le déserteur Seplime lui amène Cornehe prisonnière. Aussitôt, il se redresse et se ressaisit : d un mot, il écrase Septime ; puis, il écoute Cornélie et sait se taire écouter d'elle. Est-ce le même homme qui parle? en tout cas, le ton a bien changé. Se maintiendra-t-il à cette hauteur? Non. Comme s'il était fatigué de cet etfort, il retombe dans la galanterie banale et, au quatrième acte, il s'y oublie, jusqu'au moment où Cornélie l'arrache à cette dangereuse langueur, qui lui coûterait la vie. Au cinquième acte, enfin, il sait combattre et vaincre ; il donne à Cornélie Ja seulerecompense qu'elle désire, la liberté ; mais il se retourne ensuite vers Cléopàtre, et cette tragédie finit par un madri-al. Uue de contradictions et de brusques soubresauts ! Combien 1 unité de ce caractère en est altérée !

^°/®^^".x.*^?. ^® "^^^^^^ système, toujours dominé par la cramte d affadir ses héros, Corneille n'a pas voulu que sa «^Jeopatre fût une amante vulgaire. Ici encore, nous ne pou-

1. Lettre à Saint-£vremond, 1669.

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