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légende historique que celui de l'histoire vraie. Saint-Evre- mond dira de César, à qui il sacrifie Alexandre : « On n'a guère vu en personne tant d'égalité dans la vie, tant de modé- ration dans Ja fortune, tant de clémence dans les injures ^ » C'est sous ces traits que Corneille a vu César et qu'il l'a peint, en ajoutant à ces qualités de modération et de sagesse une ijualité plus haute, plus digne d'un héros de tragédie, la grandeur d'âme. ,
Ce n'est pas que l'homme et même le politique n'apparais- sent pas en César. L'homme et le politique ont leurs fai- blesses; pourquoi Corneille les aurait-il dissimulées? pour- quoi lui reprocher, avec M. Saint-Marc Girardin, d'avoir trop suivi Lucain dans la défiance qu'il a des larmes de César et de leur sincérité ? N'est-il pas naturel, n'est-il pas nécessaire qu'un combat se livre aussi dans son âme, et qu'il n'atteigne pas du premier coup, sans etïort, à la magnanimité ? Ce n'est qu'après de longues hésitations qu'Auguste s'élève à la clé- mence ; longtemps il songe à se venger, et la vengeance paraît légitime. Est-elle donc moins dans la nature humaine, cette « maligne joie ^ » que César a peine à étoullér lorsqu'il voit la tête de son ennemi mort? Il l'étoulfe pourtant : à la joie succède l'indignation; que peut-on lui demander de plus ? Que cette indignation soit plus spontanée, qu'il y entre moins de calcul, que César se « tàte et s'étudie ^ » moins
f)Our en ménager les effets? En ce cas, il n'y aurait point de utte, partant plus d'intérêt dramati.'jue : car l'intérêt est juste- ment dans l'eft'ort que fait César pour se dompter lui-même; si la générosité lui est si facile, elle ne nous touchera plus. Dès qu'il s'est vaincu, au contraire, il est grand. Quant à savoir s'il joue la comédie, si son apparente hauteur d'âme n'est que politique, c'est une question oiseuse que nous n'a- vons même pas à nous poser : peu nous importe que le César de l'histoire ait été un admirable acteur ; le tyran hypo- crite flétri par Lucain est oublié pour le César généreux et clément qu'exalte Cicéron lui-même dans le pro Marcello. Nous ne connaissons plus que le César de Corneille, celui qui s'impose à l'estime de Cornélie.
Par malheur, César n'est pas toujours en face de cette Cornélie dont le voisinage lui inspire une si noble émulation, car il y a une contagion de l'héroïsme. Le rival généreux de Pompée est aussi l'amant de Cléopâtre. C'est le côté faible de
��1 . Jugement sur César et Alexandre,
2. Acte 111, se I.
3. Ibidem.
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