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il oubliera lous ses griefs et ne songera plus (jii'aux réelles qualités de la victime : « De Pompeii exitu rnihi dubium niin- quam fuit : tanta enim desperado rerum ejus omnium regum et populoriim animos occuparat ut, quocumque renhset, hoc pu- tarem fulurum. Non possiim ejus casum non dolere; hominem enim integrum et castum et gravem cognovi. » Là doit être la vérité : médiocre politique, Pompée ne semble pas avoir été un malhonnête homme.

En tout cas, ce qu'il importe de constater ici, c'est qu'une légende s'était vite formée autour de ce nom ; c'est qu'il de- vint inséparable du nom mêine de la République, et que l'on confondit le désastre de Pompée avec la chute de la liberté et le triomphe de la tyrannie, c'est que Lucain fit de Pompée le héros d'un poème républicain, le frère des Brutus et des Ca- ton ; c'est que Corneille, en glorifiant Pompée, ne faisait que suivre une longue tradition. 11 la suivit, du reste, sans aveu- glement, sans illusions sur les défauts du personnage : on en peut juger non seulement par les paroles sévères de Ptolomée et de Pbotin, mais par l'avis Au lecteur qui précède Sertorius et par tout Serturius même ; s'il n'y rapetisse pas Pompée au- tant que le prétend Schlegel*, s'il le grandit au dénouement par un acte de généreux pardon, il n'en a pas moins laissé deviner et son ambition latente et la mollesse de sa volonté, qui plie devant celle de Sylla. C'est que Sertorius, vivant, ne devait pas être effacé par Pompée. Ici, au contraire, c'est Pompée qui doit dominer tout : fidèle à son habitude systé- matique d'idéaliser les personnages dont il fait ses héros, Corneille a accepté les données de la légende historique et il le remarque lui-même : « Il m'était beaucoup moins permis dans Horace et dans Pompée, dont les histoires ne sont ignorées de personne que dans Rodogune et dans Nicoméde, dont peu de gens savaient les noms avant que je les eusse mis sur le théâtre ^. »

Pompée serait-il donc le véritable héros de la pièce qui porte son nom? L'on n'en saurait douter si l'on en croit la plupart des critiques : « Pompée n'a jamais été si grand qu'il le pa- raît dans cette pièce où il ne parle pas et où il ne peutfigu rer, puisque sa mort en est le sujet ^... Quelle tragédie, direz vous, que celle dont le héros ne paraît pas ! Vous ne voyez donc pas Pompée? et moi je le vois partout ; il plane sur le théâtre ; son nom retentit dans toutes les scènes ; Pompée est

��1. Cours Oe littérature dramatiqtie.

i. Discours de la tragédie.

a. Frao(oig de NeufciuLtaau, l'Btprit ou grand ComeiU»,

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