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ACTE IV, SCÈNE III. !73

C LÉOPATRE .

Oui, je vpux couronner une flamme si belle.

Allez à la princesse en porter la nouvelle;

Son cœur comme le vôtre en deviendra charmé :

Vous n'aimeriez pas tant si vous n'étiez aimé. 4370

ANTiocH us. Heureux Antiochus! heureuse Rodogune! Oui, madame, entre nous la joie en est commune.

c LÉOPATRE.

Allez donc; ce qu'ici vous perdez de moments

Sont autant de larcins à vos contentements;

Et ce soir, destiné pour la cérémonie, 4375

��1367. « Une flamme si belle n'est pas une raison quand il s'agit d'un trône; il faut d'autres preuves. » (Voltaire.) Il est vrai que le vers est mauvais, et que couronner une flamme, métaphore banale et discordante, ne le relève pas; mais ce n'est pas comme raison que Cléopâtre allègue l'amour d'Antiochus pour Rodogune ; la vraie, la seule raison, elle vient de l'énoncer, et c'est le droit d'aînesse. Quelles preuves précises peut réclamer Voltaire? L'affirmation de Cléopâtre doit seule faire loi.

1371. « Il faut que ce prince ait le sens bien borné pour n'avoir aucune défiance en voyant sa mère passer tout d'un coup de l'excès de la méchanceté la plus atroce A l'excès de la bonté! Quoi! après qu'elle ne lui a p;irlé que d'assassiner Rodogune, après avoir voulu lui faire accroire que Séluucus l'a tuée, après lui avoir dit : périssez! périssez! elle lui dit que ses larmes ont de l'intelligence dans son cœur, et Antiochus la croit, ^on, une tellti crédulité n'est pas dans la nature. » (Voltaire.) Antiochus se montre en effet ici fort naïf, et nous ne reconnaissons plus sa froide sagesse; il ne faut pas oublier pourtant combien ses illusions sont vivaces;il a toujours plaidé la cause de sa mère et refuse de prendre au sérieux sa proposition criminelle. Quoi d'étonnant à ce qu'ici encore il puisse ou veuille se tromper? Son frère lui a cédé le trône et Rodogune; celle-ci vient de lui déclarer qu'elle l'aime; étourdi par tant de bonheur, il prend volontiers ses désirs pour des réalités.

137J. Remarquez que le verbe sont, placé entre un sujet singulier et un at- tribut pluriel, s'accorde avec ce dernier, comme c'est d'ailleurs la règle après ce. On lit même dans ['Examen de liod yunc : « Le reste sont des épisodes d'inven- tion. » Racine emploie aussi larcin au figuré, et Rotrou a dit :

Le plus grand <laa larcins est celui de la gloire.

(Saint Geiiesi, I, IIL|

Des larcins à, pour des larcins faits à est une tournure également remarqua- ble. Quant à contentements, nous avons déjà vu que Corneille aime le pluriel des noms abstraits. Voyez ce même mot au v. 1598 :

Toujours quelques soucis en ces événements Troublent la pureté de nos contentements.

(Ci* I, II.

Bt d'Hre le témoin de vos contentement».

[yicomède, II, 11.

M. Littré en «te des exemples empruntés à Molière et à Racine. Sur ce plu- riel des noms abstraits, voyez la Grammaire de M. Chassang, p. 210-11.

1375. On trouve de très fréquents exemples de desli pour dans les ser-

10.

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