Page:Corneille Théâtre Hémon tome3.djvu/489

Cette page n’a pas encore été corrigée

ACTE IJI, SCENE IV. 143

Mais a-t-elle inlérêt au choix que vous ferez,

Polir en craindre les maux que vous vous figurez?

La couronne est à nous, et, sans lui faire injure,

Sans manquer de respect aux droits de la nature,

Chacun de nous à l'autre en peut céder sa part, 9g';

Et rendre à votre choix ce qu'il doit au hasard.

Qu'un si faible sciupuip en notre faveur cesse:

Votre iaclination vaut bien un droit d'aînesse,

Dont vous seriez iraitée avec trop de rigueur,

S'il se trouvait contraire aux vœux de votre cœur. 970

On vous applaudirait quand vous seriez à plaindre;

Pour vous faire régner ce serait vous contraindre,

Vous donner la couronne en vous tyrannisant,

Et verser du poison sur ce noble présent.

Au nom de ce beau feu qui tous deux nous consume, 975

Princesse, à notre espoir ôtez cette amertume.

Et permettez que l'heur qui suivra votre époux

Se puisse redoubler à le tenir de vous.

961. ( Il parait oaturel que Cléopâtre ait intérêt à ce choix, puisque Rodo- gune peut choisir le cadet, et que Cléop4tre doit choisir l'aîné. De plus, la phrase est trop louche : A-t-elle intérêt pour an craindre ? » (Voltaire). Cela est juste en soi ; il ne faut pas oublier pourtant que, la décision de Bodogune de- vant être souveraine, suivant la promesse des princes, celle de Cléopâtre ne le sera plus. — Pour en craindre, pour que vous craigniez d'elle.

966. Il faudrait plutôt : Ce qu'il devrait au hasard ; car les deux frères n'ont encore rien; Voltaire a raison de l'observer, mais non de s'écrier avec dé- dain : Quel langage I Rendre avait un sens très étendu au xvn« siècle, et vou- lait souvent dire : remettre, soumettre.

969. Le vers n'est peut-être pas • bien tourné », mais il est français : dont veut encore dire ici par lequel, et Voltaire semble l'oublier une fois de plus.

9^\. Applaudir, impropre pour félieiler, selon Voltaire. L'un s'employait fréquemment pour l'autre :

Retournez, retournez vers ce sénat auguste Qui vient vous applaudir de votre cruauté.

(Racini, Bérémet, T« 6.)

Il est probable qu'applaudir wt pris ici dans le sens neutre; Corneille dit en général applaudir à :

Loia d« trembler pour elle, il lui faut applaudir.

{Horaee , r. SI.)

«^76. < Qu'est-ce qn'ôter l'amertume à un espoir? i (Voltaire.) L'espoir de» deux princes ne serait-il pas troublé par quelque amertume, si l'un d'eux, par le seul droit d'aînesse, devait obtenir Rodogune, sans être aimé d'elle t

9"7. « Un heur qui suit un époux et qui redouble à le tenir ! tout cela est impropre, et n'est ni bien construit, ni français ; c« sont autant de barba- riatnes. » (Voltaire). M. Geruzez et la plupart des éditeurs enregistrent, sans protester, cette condamnation si sévère et si dédaigneusement tranchante. Nous ne prétendons pas que ces vers soient excellents, mais ils sont loin d'être aussi incorrects qu'on se l'imagine. Sur heur, voyez la note du v. 54. Le bonheur qui $uii "a votre époux n'est pa.s plus étonnant ici que, dans Pompée (III, 5) « le malneur qui me suit ». Nous avons àéji rencontré plus d'une fois à construit avec l'infinilif, au 'ieu de en "oc le participe; aucune tournure n'est alors

�� �