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136 RODOGUNE.

Chère ombre, hélas! bien loin de l'avoir poursuivie,

'.'allais baiser la main qui t'arracha la vie,

/Rendre un respect de fille à qui versa ton sang; 865

Mais pardonne au devoir que m'impose mon rang :

Plus la haute naissance approche des couronnes,

Plus cette grandeur même asservit nos personnes;

Nous n'avons point de cœur pour aimer ni hVir :

Toutes nos passions ne savent qu'obéir . 870

Après avoir armé pour venger cet outrage,

D'une paix mal conçue on m'a faite le gage;

Et moi, fermant les yeux sur ce noir attentat,

Je suivais mon destin en victime d'Élat.

Mais aujourd'hui qu'on voit cette main parricide, 875

Des restes de ta vie insolemment avide,

Vouloir encor percer ce sein infortuné,

Pour y chercher le cœur que tu m'avais donné,

partage aussi les plaisirs de l'homme : à la chasse, aux touraois, à la course, il brille, il étincelle. » (Baffon.) Ce n'est pas l'ombre qui élincHle, comme Vollniro se l'imagine; l'image ici, c'est l'exacte représentation de la personne qui revit aux yeux de Rodogune.

S68. Que nous prenons à tort , abusés que nous sommes. Les qualités de rois et de maîtres des hommes 1

(RoTROD, la Bogue de l'Oubli.)

809. « Ici, elle n'a point de cœur pour aimer n haïr; et, dans le mémo monologue, elle reprend un cœur pour aimer et haïr : ces antithèses, ces jeux de vers ne sont plus permis. » (Voltaire.) Il faut ajouter pourtant que ce cliquetis de mots, dont s'enchantait l'oreille des auditeurs contemporains, ne suffit point à détigurer une belle scène, et que les ;^om(es, les antithèses, \esconcelti de tout genre dont le monologue de Rodrigue esi plein, n'empêchent p;is plus qu'ici la situation d^tre émouvante. Dans Andromaque {Ul, n), Hemnione dit à Oreste :

L'amour ne règle pas le sor: d'une princesse; La gloire d'obéir est tout ce qu'on nous laisse.

871. Armer, pris absolument, se retrouve dans Pompée (v. 366): L'Egypte pour Pompée armerait à sa Tue.

875. "Voyez sur pamcide, pris adjectivc :>'nt ici, la note du v. nO'2.

878 « Ainsi, ,1e cœur <ie Kicanor était matériellement enfermé dans le sein de Rodogune ! Étrange idée , qui se rattache à une métaphore prise au sert» propre. Les amants ont, de tout temps, donné leur cœur, au fiçuré; mais Guil- laume de Lorris, Charles d'Orléans et leurs imitateurs l'ont livré e1 même empri- sonné matériellement sous clef et dans la cassette du dieu d'amour. La tradition au Roman de la liose, conservée par les précieuses, avait donc infecté jusqu'à Corne lie. » (M. Geruzez.)Dans son Poème de la Prison, en effet, Charles d'Orléans, Iq prisonnier nullement imaginaire d'Azincourt, ne parle que d'un servage tout fictif, mais représenté comme réel :

Ainsi Amour me mist en son serrage, MaLs pour seurté retint mon cueur en gage.

JA mour lui délivre dans les formes une « lettre de retenue t i

Avons voulu en gage recevoir Le cueur de lui, lequel de bon vouloir A toul Bouhziiiis 80 noz mains et poroir.

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