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Et s’il est assez fort pour me servir d’appui,
Je le ferai régner, mais en régnant sur lui.
Sentiments étouffés de colère et de haine, 855
Rallumez vos flambeaux à celles de la reine,
Et d’un oubli contraint rompez la dure loi,
Pour rendre enfin justice aux mânes d’un grand roi ;
Rapportez à mes yeux son image sanglante,
D’amour et de fureur encore étincelante, 860

Telle que je le vis, quand tout percé de coups
Il me cria : « Vengeance! Adieu ; je meurs pour vous! »

��vitbt (t. 843), Attila (▼. 1456), et dans les Poésies diverses, mais avec le sens différent de jeter une amorce à l’ambition, au crime, etc.

Craignez d’un vain plaisir les trompeuses amorces.

(Boileau, Art poét., I.)

Ce Uiugage si fier, presque hautain, de Rodogune, ett la révélation anticipée de son vrai caractère ; enfin, elle va se montrer telle qu’el’e est. Si pourtant sa Tengeance avait été immédiate, si aucune délibération ne l’avait précédée, Voltaire aurait crié, avec raison, à l’invraisemblance ; qu’il nous permette donc de voir dans ce monologne autre chose qu’un « galimatias » inutile. Il com- prend mal l’espèce de « générosité » que Rodo^-une s’attribue, et qui n’est pas incompatible avec une intention criminolle. Cette générosité, elle est dans l’élévation de l’àme, et l’élévation de l’âme — qu’exalte encore la passion — semble inséparable à Rodogune de l’élévation do la naissance. Chez Corneille, le gérvetix {generosut, lu-,’£vr,î) était même pris substantivement. « C’est une confiance de g -néreux à généreux et de Romain à Romain, > écrit-il dans l’Aver- tissement au lecteur qui précède Sirtorius.

.- Peu de généreux vont jusqu’à dëdaifner, Après un sceptre acquis, la douceur de régner.

{Cinna, v. «I».|

Parmi les géaéreox il n’en va pas de même.

[Nicomède, v. 16i;’i.i

Dans un vers qui éclaire tout le débat de ce monologue, Héraciius s’écrie :

La générosité suit la belle naissance !

(V. II).

C'est de cette générosité native que Rodogune s’inspire, et sa fierté n’est ni c méprisable », ni même déplacée. Seulement, c’est la reine qui parle et qui s’indigne qu’on lui conseille de s’abaisser.

855. « D« vengeance et de haine, » donne une variante préférable. Remarquons ce mot : étou/fés; il prouve que Rodogune s’est jusqu’ici fait violence, et s’affranchit d’une longue et pesante contrainte. — Quant ji la forme, quant à ces sentiments qui rallument leurs flambeaux à la haine et à la colère de la reine, et qui rompent la dure loi d’un oubli contraint, nous convenons volontiers que tant de paroles , un peu emphatiques , « ne forment point un sonnet uol », pourvu qu’on nous acccorde que de cette obscurité se dégage une idée précise, exprimée par les mots étouffés et contraint. Elle est dure, en effet, cette loi de l’oubli, qu’on a imposée à Rodogune, et Rodogune va se souvenir.

858. Var. ’ Et d’un honteux oubli rompant l’injuste loi.

Rendez ce que je dois aux mânes J’ua grand roi » (1647-56).

859. iiappmlez, referte, représentez, faites revivre à mes yeux...

860. Etinceler se dit non seulement des yeux, mais, en certains cas, des personnes, et même des animaux. De Lacus et de Mathan, Corneille et Racine disent qu’ils sont « étincelants de rage ».(Othon, V, vm; Athalie, V, it.) — « Le cheval