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30 POMPÉE

Cette opinion presque universellement défavorable kPompée

était si bien éfablie au xviu« siècle qu'elle s'imposa même aux comédiens. Après la grande Adrienne Lecouvreur, insuf- fisamment remplacée par'M"'^ Balicourt, M"^ Clairon n'avait pas reculé devant le rôle de Cornélie; cette actrice dont le talent, plus fait d'art que de £?énie, devait déployer toutes se? ressources dans le rôle de Cléopâtre, réussit médiocrement dans sa première tentative, et s'en prit à Corneille de son in- succès : « L'opinion publique, écrit-elle dans ses Mémoires *, a fait de Cornélie un des plus beaux rôles du théâtre. Ayant à jouer ce rôle, j'ai fait sur lui toutes les études dont j'étais capable; aucune ne m'a réussi. La modulation cjue je vou- lais établir d'après le personnage bisLo:ique n'allait point du tout avec le personnage théâtral : autant le premier me pa- raissait noble, simple, touchant, autant l'autre me paraissait gigantesque, déclamatoire et froid. Je me gardai bien dépenser que le public et Corneille eussent tort; ma vanité n'allait point jusque-là; mais, pour ne pas la compromettre, je me promis de me taire et de ne jouer jamais Cornélie. Depuis ma retraite, les Commentaires sur Conieille et le mot Esprit dans les Questio7is encyclopédiques, par Voltaire, ont paru ; lisez-les : si je me suis trompée, l'exemple d'un si grand homme me consolera. » N'envions pas cette consolation à M" Clairon, mais à condition de pouvoir lui en refuser une autre, celle de se dédommager de son échec en dénigrant son illustre devancière. En ce moment où les questions de décor, de mise en scène, de couleur locale tiennent une si grande place dans les préoccupations du public, nous croyons qu'il ne sera pas sans intérêt d'insister sur cette autre partie des Mémoires de M" Clairon.

On sait quelle insouciance de la couleur locale professaient les Français du xvn'= et même du xvui" siècle. Cornélie ne se fût point présentée à eux sans gants blancs et sans paniers. La première, Adrienne Lecouvreur adopta un costume moins risiblement moderne : « En la contemplant telle que l'a peinte Coypel, sous les voiles de deuil delà veuve de Pompée, tenant entre ses mains l'urne funéraire, levant vers le ciel «es yeux chargés de larmes, on est saisi par Fadmirable expression de son visage, par la noblesse de l'attitude, par le charme de toute la personne, et l'on comprend bien le pres- tige singulier que cette grande artiste exerça sur ses contem- porains, puisque sa mémoire seule l'exerce encore sur nous. Une robe de velours, dont le corsage demi-montant laisse au

t. Cet Mémoires ont été publiés ea 1799.

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