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ACTE 11, SCENE II. iOy

Qu'en épousant ma haine au lien de ma rivale : 500

Ce Q'e:^t qu'en me vengeant qu'on me le peut ravir, El je ferai régner qui me voudra servir.

LAONICE.

ie vous connaissais mal.

CLÉOPATRE.

Connais-moi tout entière. Quand je mis Rodogune en tes mains prisonnière, Ce ne fut ni pitié ni respect de son rang 505

Qui m'arrêta le bras et conserva son sang. La mort d'Anliochus me laissait sans armée, Et d'une troupe en hâte à me suivre animée Beaucoup dans ma vengeance ayant fini leurs jours M'exposaient à son frère et faible et sans secours. 540

Je me voyais perdue à moins d'un tel otage •

��500. < Épouser une haine au lieu d'une femme, est un jeu de mots, unj équivoque qu'il ne faut jamais imiter. » (Voltaire.) Dans le vers de Corneille épouser est pris en effet au figuré à la fois et au propre.

Var. I On n'âara point ce rang, dont la perte me gène,

Qu'au lieu de ma rivale on n'épouse ma haine » (1660).

501. « Ce le se rapporte au rang, qui est trop loin. » (Voltaire.)

50:j. Je v(ms connaissnis mal. t Ce mot devrait, ce semble, faire rentrer Cléopàtre en ella-inême et lui faire sentir quelle imprudence elle commet d'ou- vrir sans raison une âme si noire à une personne qui en est efirayée. Connais- moi lotit entière paraît d'une femme qui veut toujours parler, et non pas d'une reine habile. Car quel intérêt a-t-ello à vouloir se donner pour un monstre à une femme étonnée de ces étranges aveux? » (Voltaire.) On voit qu« Lessing et Voltaire s'accordeiit dans leurs critiques, justes d'ailleurs en général. Ob- servons seulement ici que Cléopàtre a pleine contiance en Laonice, et qu'elle aura besoin d'elle pour le dénouement qu'elle prépare ; elle a donc intérêt à ne lui dishimuler rien, et croit le pouvoir faire sans danger. D'ailleurs, la situa- tion domine les caractères et les force à se montrer dans toute leur vérité : Laonice g'oublie aussi bien que Cléopàtre ; le cri qu'elle laisse échapper est aussi imprudent que les tragiques aveux de la reine. Il est heureux pour elle que celle-ci, tout entière au plaisir de confier enfin ce secret si longtemps gardé, et peut-étro de faire frissonner sa confidente, ne la devine pas et passe outre.

509. « Beaucoup d'une troupe n'est pas français, » dit Voltaire ; il faudrait corriger : n'est plus très français aujourd'hui. « Co mot, étant employé pour plusieurs, ne doit pas être mis tout seul », tel est r.irrêt do Vaugelas ; malgré cet arrêt pourtant, dit M. Marty-Laveaux, la tournure condamnée est restée ejs- core en usage de nos jours, au moins dans le style familier. » — Dana ma vengeance, peu clair pour : en voulant me venger.

510. M'expnsaient, me livraient à... « Les morts n'oo^ pius ûb responsabi- lité, et c'est mal présenter l'idée que de leur attribuer le danger que courait la reine par le petit nombre de ceux qui avaient survécu. » (M. Geruzez.) — « Quel était re frère? on ne l'a point dit. Voilà, je crois, bien des fautes, et cependant le caractère de Cléopàtre est imposant et excite un très grand intérêt de curio- sité : le spectateur est comme la confidente : il apprend de moment en moment des choses dont il attend la suite. » (Voltaire.) On voit, comme nous l'avons observé déjà, que Voltaire semble tout étonné d'admirer en gros ce qu'il a blâmé e'i rtétail.

COR.MEILLE. — Hotiog. 1

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