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ACTE II, SCENE II. IQT

Délires de mon cœur, il faut que je te quitte ;

On m'y force, il le fnut : mni>on verra qui'l fruit

En recevra bientôt celle qui m'y réduit.

L'ainour que j';ii pour toi tourne en hiiine pour elle :

Autant que l'uti fut iirand l'autre sera cruelle, 480

Et [luisqu'en le perd.ml j'ai sur qui me venger,

Ma perte est supportable et mon mal est léger.

L A O N I C E .

Quoi ! vous parlez encor de vengeance et de haine Pour celle dont vous-même allez faire une reine 1

c LÉOPATRE.

Quoil je ferais un roi pour être son époux, 48o

Et ra'exposer aux traits de son juste courroux!

N'a()prendras-tu jamais, âme basse et grossière,

A voir par d'autres yeux que les yeux du vulgaire?

Toi qui connais ce peuple, et sais qu'aux champs de Mar.-

Lâchement d'une femme il suit les étendards; 490

Que, sans Antiochus, Tryphon m'eût dépouillée;

��476. « Voltaire a mis le singulier délice. Le mot est au pluriel dans toutes les éditions publiées du vivant de Corneille... 11 n'y a dan.s Corneille aucun «ïempîe do délice employé au singulier et au masculin. » M. Marty-Laveaux.) « Ce sont des expressions faites pour la tendresse et non pour le trône, » ob- serve Voltaire. Il a raison, mais ces expressions sont plus naturelles dans la V<ouche de Cléopâtre, dont l'amour du pouvoir est la seule passion.

4'/7. « Ne faudrait-il pas expliquer comment elle est forcée à résigner la couronne, puisqu'elle vient de dire qu'elle n'a rien à craindre, que le péril est passé? ne devraiî-elle pas dire seulement : on l'exige. ;e l'ai promis? * (Vol- taire.) Il suffit de lire la scène iv rie l'acte l" pour savoir quelle est cette pro- messe de Cléopâtre, ce « serment fallacieux » dont elle parlait tout à l'heure, et dont la contrainte lui a été « salutaire », c'est-à-dire l'a délivrée de l'in va- llon des Parthes. — Fruit, fructus, avantage.

487. « Ce n'est point cette co: fidente qui est grossière ; n'est-ce pas Cléopâtr«  qui semble le devenir en parlant à une dnmn de sa cour comme on parlerait à une servante dont l'imbécillité mettrait en colère? et ici c'est une reine qui confie des crimes à une dame épouvanlée de cette confidence inutile. Elle ap- pelle cette dame « grossière ». En vérité, cela est dans le goût de la comtesse d'Escarbagnas qui appelle sa femme de chambre bouvière. » (Voltaire.) Il semble qu'il n'y ait rien ici de si risihle. Si Laonice n'entend pas Cléopâtre, c'est qu'elle ne veut pas l'entendre; elle a ses raisons pour cela : soeur de Ti- magène, dévouée a Antiochus, et, p.nr suite, à Rodogune, elle n'est pas si « grossière » en effet; mais d'abord elle a cru naïvement à la sincérité de Cléopâtre; détrompée, elle veut lui arracher son secret tout entier pour l'al- ler confier à celle dont Cléopâtre menace la vie. (Cf. III, i.) Ses nbjeclions, ses airs de surprise ou d'effroi ne font qu'irriter Cléopâtre, aveutrlée par la haine. Sans donlf la reine est imprudente ; mais c'est qu'ell- n'est plus maî- tresse rrelle-même. .le n'en voudrais pas lependant faire une furieuse, inca- pable de tout raisonnement et de toute prévoyance. Le sentiment que lui in- spire l'innocence plus ou m'ins simulée de Laonice, ce n'est pas la colère, c'est plutôt une pitié dédaigneuse. « Vol'aire, dit M. Marty-Laveaux, semble avoir compris groxsief dans le sens d'impoli, d'impertinent; iî ne s'applique ici qu'à la pesanteur d^^ l'esprit, comme dans les Femme.i saranle.t (I, i). »

'1S9. Cléopâtre parle ici du peuple avec le même mépris que, dans Bntan- nicus, ÎN'arcisse, cet autre scélérat consommé, plus discret qu'elle et qui ne te tralrt qu'une fois, mais lorsqu'il est seul ot se croit sûr du succè».

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