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ACTE II, SCÈNE IL 105

Vois, vois que tant que l'ordre en demeure douteux, 445

Aucun des deux ne rè.sne, et je règne pour eux ;

Quoique ce soil un bien que l'un et l'autre attende,

De crainte de le perire aucun ne le demande ;

Cependant je pos>èile, et leur droit incertain

Me laisse avec leur sort leur sceptre dans la main : 450

Voilà mon grand secret. Sais-tu par quel mystère

Je le-; laissais tous deux en dépôt chez mon frère?

LAOMCF .

J'ai cru qu'Antiochu-; les tenait éloignés Pour Jouir des États qu'il avait regagnés.

CLÉOPATRE.

Il occupait leur trône, et craignait leur présence, 455

Et cette juste crainte assurait ma puissance, ftles ordres en étaient de point en point suivis, . Quand je le menaçais du retour de mes fils : Voyant ce foudre prêt à suivre ma colère, Quoi qu'il me plût oser, il n'osait me déplaire ; 460

Et content maigre lui du vain titre de roi, S'il régnait au lieu d'eux, ce n'était que sous moi.

Jeté dirai bien plus. Sans violence aucune J'aurais vu Nicanor épouser Rodogune,

Si, content de lui plaire et de me dédai.icner, 4G5

11 eût vécu chez elle en me laissant régner.

��411). « Je possède demande un régime; jouir est quelquefois neutre, pos- séder ne l'est pas; cependant je crois que cette hardiesse est très permise et fait un bel effet. » (Voltaire.) Beaumarchais a dit : « En toute espèce de hiens, posséder est peu de chose; c'est jouir qui rend heureux. » {Barbier de Si ville, IV, i). Voilà un exemple qui contredit la distinction grammaticale de Vol- taire. Dans le style juridique, posséder a toujours été pris absolument. Cléopàtre nVnlend pas dire : Je possède la royauté, ce qui serait faible et n'indiquerait qu'une possession de fait, mais bien : Je reste et veux rester, mal:rré tout, en possession du pouvoir, ce qui implique un sentim-'nt d'ambition satisfaite.

454. /teyiignes. Sens moral : qu'il avait reconquis.

457. En, par lui, c est-à-dire par Antiochus.

4.Î9 « ( e fowhe peut-il convenir à des enfants en bas âge ? » (Voltaire.) Aussi ne s'agit-il aucunement de foudre de guerre, seul sens oii aujourd'hui ce mot soit toujours masculin, mais d'un coup de foudre, d un orage qui menace Antiochus Sidétès. « Ce mot, dit Vaugelas, est l'un de ces noms substantifs que l'on fait masculins ou féminins, comme on veut. On dit donc également 'jien le foudre et la foudre, quoique la langue française ait une particulière nclination au genre féminin. » (lietnarqnes, p. 299.) Corneille et les tragiques contemporains semblent avoir eu une inclination contraire. — Sur prêt à pour wès de, voyez la note du v. 297.

4(50. Pour : me plût d'oser. Corneille supprime souvent la proposition in- termédiaire.

461. Content malgré lui semble d'abord contradictoire; mais content a ici le sens du latin eontentus, qui se contente de...., comme plus bas, v. 465 : content de lui plaire.

463. .Au propre : sans emportement; au figuré, sans contrainte, sans me faire violence; nous préférons le sens figuré.

466. Régner, c'e.st donc l'unique souci de Cléopàtre, comme d'Agrippinei Voilà ce qui révolte le vertueux Lessing et lui fait écrire cette curieuse théorie

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