Page:Corneille Théâtre Hémon tome3.djvu/443

Cette page n’a pas encore été corrigée

ACTE I, SCÈNE V. 97

Quand je me dispensfiis à lui mal obéir,

Quand en votre faveur je semblais la trahir.

Peut-être qu'en son cœur plus douce et repentie

Elle en dissimulait la meilleure partie ; •• 340

Que. se voyant tromper, elle fermait les yeux,

Et qu'un peu de pitié la saiisfnisait mieux.

A présent que l'ainour succède à la colère,

Elle ne nous voit plus qu'avec des yeux de mère,

Et si de cet amour je la voyais sortir, 345

Je jure de nouveau de vous en avertir :

Vous savez comme quoi je vous suis lnut acquise.

Le Roi souffrirait-il d'ailleur- quelque surprise?

RODOGUNE .

Qui que ce soit des deux qu'on couronne aujourd'hui,

Elle sera sa mère, et pourra tout sur lui. 3o0

LAONICE .

Qui que ce soit des deux, je sais qu'il vous adore : Connaissant leur amour, pouvez-vous craindre encore?

RODOGUNE.

Oui, je crains leur hymen, et d'être à l'un des deux.

LAONJGE .

Quoi ! sont-ils des sujets indignes de vos feux?

��337. Voltaire nous apprend que ce vers « n'est pas français », qu'on se dis- pense d'une cltoae, et non à une chose. Mais dispenser île eut été ici un yéri- table non-sens : Rodogune veut dire précisément tout le contraire. Dispenser à signifiait alors autoriser à; par suite, se dispenser à une cUose, signifiait se la permettre ; se dispenser à mal obéir, se permettre de mat ohéir. Ce n'est même pas un idiotisme : M. Littré, qui constate que la tour a vieilli, cite des exem- ples caractéristiques de Molière [D.-pii amoureux, II, i) et de Bayle; il aurait pu en citer de très nombreux, empruntés à Rotrou et aux tragiques- contem- porains.

339. « Voltaire regrette avec raison ce mot, qui n'est plus en usage que dans la locution : les filles repenties. » (lexique de Corneille.) On lit au con- traire dans le Dictionnaire Littré : t L'Académie dit à tort que ce mot n'est usité qu'au féminin et dans cette locution. » Nous croyons, en eff"et, qu'on en pourrait trouver des exemples contemporains. Repentant n'exprime pas la même nuance de sens.

34 >. « Sortir d'un amour! quelle négligence! » s'écrie Voltaire. Pourquoi ne dirait-on pas sortir d'un amour (expression employée par Ducis, A bufur, IV.viu), comme La Fontaine dit : » Sortant de colère <• et Molière(A"àc/irtta;, li,U) « Je sortis Iiors d'offroi ». C'est par cette rigueur excessive qu'on appauvrit la U' gue, au point d'en venir à contester, avec Vaugelas, que t sortir de la vie» soit français. Voltaire qui a dit : « sortir de la mort » (lettre à d'Argontal, n mars 1773), aurait dû être plus indulgent pour les alliances de mots hardies.

347. CoMimtfçuoi, comment, combien. « Comme quoi est de difficile explication. /?o«i7/jf a parfois le sens de comment, et l'on dit interrogativement, ayant mal •ntendu : Comme quoi? Comme quoi est devenu de la sorte une locution faite, qui s'est introduite pour ne signifier rien de plus que comment. » (M. Littré)

353. Oui, je crains leurtv/men et d'être... Remarquez ce verbe qui a d'abord pour régime un nom, couiplément direct, puis un infinitif régi par de. — Voye» la Uramviaire do M. Chassang, qui cite cet exemple p. 359.

CORNEILLE, RcdOg* 6

�� �