Page:Corneille Théâtre Hémon tome3.djvu/441

Cette page n’a pas encore été corrigée

ACTE 1, SCÈNE V. 95

Je tremble, Laonice, et. te voulais parler,

Ou pour chasser ma crainte ou pour m'en consoler.

LAONICE.

Quoi ! Madame, en ce jour pour vous si plein de gloire?

RODOGUNB .

Ce jour m'en promet tant que j'ai peine à tout croire.

La fortune me traite avec trop de respect ; 305

Et le trône et l'hymen, tout me devient suspect.

L'hymen semble à mes yeux cacher quelque supplice,

Le trône sous mes pas creuser un précipice ;

Je vois de nouveaux fers après les miens brisés,

Et je prends tous ces biens pour des maux déguisés : 310

En un mot, je crains tout de l'esprit de la Reine.

LAOMCE .

La paix qu'elle a jurée en a calmé la haine.

RODOGUNB.

La haine entre les grands se calme rarement;

La paix souvent n'y sert que d'un amusement ;

fit, dans l'État où j'entre, à te parler sans feinte, 345

Elle a lieu de me craindre, et je crains cette crainte.

Non qu'enfin je ne donne au bien des deux Etats

ce nous semble, le sens d'insinuer secrètement. Ce que Corneille dit de la glace, Bossuet et Féaelon ne l'ont-ils paa dit de la flamme*? Pris au neutre, couler n'a-t-il pas un sens très clair dans le Ters fameux du Cid :

Quand Tâge dans mes nerb a fait couler sa glaee...T

802. « Cet en se rapporte à erain'.e par la phrase : il semble qu'elle veuille se consoler de sa crainte. Il faut éviter soigneusement ces amphibo- logies. » Quand il s'agit de la clarté du stylo, Voltaire est bon juge.

305. « Respect n'est pas le mot propre; il faudrait faveur. Un trône ne creusé pas un précipice. « (M. Géruzez.)

312. « On ne doit jamais se servir de la particule en dans ce cas-ci. Il fal- lait ; a calmé sa haine. » (Voltaire.) Cette incorrection, dont nous venons de voir un nouvel exemple (vers 292) a passé jusqu'à nous, en dépit de toutes les con- damnations, d'ailleurs légitimes.

314. Première observation de Voltaire : t Ces réflexions générales et poli- tiques sont-elles d'une jeune femme? » Rodopune est une jeune femme sans doute, mais une foraine que le malheur a mûrie, et qui, passant de l'extrême abaissement à l'extrême grandeur, a le droit de se défier, de se consulter tout au moins ; c'est aussi, ne l'oublions pas, une reine. Ne sait-on pas, d'ailleurs, à quel point se mêlent alors — en 1644, à la veille de la Fronde — la politique et la galanterie ? — Deuxième observation ; « Qu'est-ce que la paix qui sert d'amusement à Li haine? » Amusement a ici le sens de diversion; voyez plus loin (IV, vi) le sens identique donné au verbe amuser. .V propos du vers 1378 du Cid, M. Larroumet cite ces vers de Rodogune et remarque que Corneille emploie volontiers un comme adjectif indéfini où nous mettrions simplement de : d'amusement.

316. L'idée est juste, mais exprimée par une sorte de jeu de mots puén dans la forme

317. Vnr. « Non pas que mon esprit, justement irrité.

Conserve à son sujet quelque animosité. Au bien de=i deux États je donne mon injuro » (1647-56). D-^nner a ici le sens de canoonare en latin, saoriûer.

�� �