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28 POMPÉE

puisse rouler », Cette observation serait juste, si la délibéra- tion n'était qu'un brillant hors-d'œuvre et devait retarder l'exposition du sujet; mais si elle se confond précisément avec cette exposition, comme au début de Pompée, n'est-elle point dramatique ? — 5° En tout cas, ces délibérations doivent être fort courtes, et d'Aubignac critique sous ce rapport celle de Cinna aussi bien que celle de Pompée, « un peu ennuyeuse ». A ce compte, il faudrait condamner tout Serlorius, dont la scène capitale est une délibération, plus longue encore que celle de Pompée, et dramatiquement moins nécessaire. Ces conversations politiques peuvent nous sembler aujourd'hui un n^'is froides; elles le semblaient moins au lendemain de la mort de Richelieu, à la veille de la Fronde. — 6° Enfin, la délibération doit être étroitement liée au sujet, et l'intérêt de ceux qui délibèrent y doit clairement paraître à nos yeux *. Ici, nous ne comprenons plus d'Aubignac lorsqu'il soutient que les conseillers de Ptolomée n'ont aucun intérêt à rissue du débat. L'intérêt de l'Egypte et de son roi serait-il donc distinct du leur? Ce sont des politiques qui craignent d'être enveloppés dans le malheur du vaincu ; ce sont des opprimés qui se redressent, et frappent un des oppresseurs, en attendant qu'ils puissent frapper l'autre. La preuve que l'issue de ce contlit ne les laisse pas indifférents, c'est qu'ils payeront de leur tête les conseils dont le roi se sera inspiré.

Rares au xvu" siècle, les critiques se multiplient au xvui*. Comment s'en étonner ? deux raisons suffisent à expliquer pourquoi Corneille a été moins bien compris à ce moment: d'abord, à mesure qu'on s'éloignait de l'époque troublée, mais sérieuse jusqu'en ses folies, qui était le cadre naturel du drame cornélien, on se laissait moins séduire aux beautés graves, à l'allure majestueuse, mais un peu lente, de la tragé- die, historique et politique ; on voulait plus de passion, de rapidité, de vie extérieure ; puis, l'école de critique qui domina le siècle et dont Voltaire était le chef reconnu, ne concevait la tragédie classique que sous la forme de la tragédie raci- nienne. De là les critiques, souvent injustes, de Vauvenargues et de Labarpe, disciples de Voltaire. Avant eux, l'abbé Du Bos avait refusé k Pompée jusqu'au nom de tragédie; il est vrai qu'il n'était pas loin de le refuser également au Cid : « Nous avons deux tragédies du grand Corneille dont la con- duite et la plupart des caractères sont très déectueux : le Cid et la Mort de Pompée. On pourrait même disputer à cette

��i. Pratique du théàirr f\r:-0), IV, 4.

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