Page:Corneille Théâtre Hémon tome3.djvu/433

Cette page n’a pas encore été corrigée

ACTE 1, SCÈNE ffl. 87

Qui le cède est un lâche, et ne sait pas aimer.

De tous deux Kodogune a charmé le courage; 155

Cessons par trop d’amour de lui faire un outrage. Elle doit épouser, non pas vous, non pas moi, Mais de moi, mais de vous quiconque sera roi. La couronne entre nous flotte encore incertaine, M-iis sans incertitude elle doit être reinn 400

Cependant, aveuglés dans notre vain projet, Nous la faisions tous deux la femme d’un sujet! Régnons : l’ambition ne peut être que belle. Et pour elle quittée, et reprise pour elle,

Et ce trône où tous deux nous osions renoncer, 465

Souhaitons-le tous deux afin de l’y placer : "C’est dans notre destin le seul conseil à prendre; Ni)us pouvons nous en plaindre, et nous devons l’attendre.

SÉLE ucus. Il faut encor plus faire, il faut qu’en ce grand jour Notre amitié triomphe aussi bien que l’amour. 470

��155. Ce mot de courage, qui reTient si sonTOnt dans le théâtre classique, est pris par Corueille et Racine dans toutes les acceptions du mot cœur.

159. t’Ioller, dans ce sens, est assez rare, surtout en parlant d’une couronne. Eq général, il se dit des irrésolutions de l’esprit.

160. Opposez à ces beaux vers, qui nous donnent une si haute idée de Rodogune, les vers que Darie adresse dans la Rodogune de Gilbert à son frère Axtaxerca, pour le déterminer à lui céder Lydie :

De cent peuples fameux il faut être vainqueur,
Avant que de prétendre une place an son cœur.
Quoi que vous me disiez et quoi que je vous die,
L’on ne peut séparer l’empire de Lydie ;
Cette illustre beauté veut une Illustre cour:
Ici l’ambition s’accorde avec l’amour.
En vain nous opposons ces passions diverses.
Il faut que son époux soit monarque des Perses ;
Et pui.sque la couronne appartient à laine,
Il faut qu’un seul l’obtienne et soit seul fortuné,
Et, sans que le plus jeune en prenne jalousie.
Qu’il ait seul la princesse et l’empire d’Asie.

Quelle ressemblance dant le fond des idées I mais quelle différence dans la façon de les rendre !

l()ô. Oà pour anqufl, comme plus haut, v. 132: «le seul bien oit j’aspire. > Voyez aussi, dans Rodogune, les vers 330, 1080, 1145, 1624, et les pages 297 et 397 de la grammaire de iif. Chassang, qui cite de très nombreux exemples d’où Se rapportant à des substtantifs qui ne sont pas de noms de lieu ou de temps. Voir le vers 235.

167. « Conseil parait impropre ; c’est parti ourfecjsion; ou bien l’impropriété est dans lo mot prendre, auquel il faudrait substituer suivre. Prendre comeil signifie demander des nvis à quelqu’un. » (M. Germez.) J’oserai dire, au con- traire, qu’il ne s’agit pas de conseil à suirre, mais de résolution à prendre. Cor- neille, comme avant lui Régnier {Eléijits, 1), s’est simplement souvenu du latin eonsilium capeie. Conseil reçoit très souvent cette signification au xvii’ siècle, et ce n’est pas pour finir le vers que Corneille dit prendre Hn conseil. En biea d’antres passages, surtout dans Cinna (l, rv ; III, m) il répète cette locution, Qu’un latiniste commo M. Oeruzez n’eût pas dû méconnaître.

�� �