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S6 RODOGUNE.

C'est là tout mon malheur, c'est là tout mon souci.

J'espérais que l'éclat dont le trône se pare,

Toucherait vos désirs plus qu'un objet si rare , 440

Mais aussi bien qu'à moi son prix vous est connu,

tt dans ce juste choix vous m'avez prévenu.

Ahl déplorable prince I

SÉLEUCUS.

Ah! destin trop contraire!

ANTIOCHOS.

Que ne ferais-je point contre un autre qu'un frère 1

SÉLEUCUS.

mon cher frère! ô notn pour un rival trop doux ! 445

Que ne ferais-je point contre un autre que vousl

ANTIOGHUS.

OÙ nous vas-tu réduire, amitié fraternelle?

SÉLEUCUS.

Amour, qui doit ici vaincre de vous ou d'elle?

AIS'TIOGHUS.

L'amour, l'amour doit vaincre, et la triste amitié

Ne doit être à tous deux qu'un objet de pitié. 460

Un grand cœur cède un trône, et le (^ède avec gloire;

Cet effort de venu couronne sa mémoire;

Mais lorsqu'un digne objet a pu nous enflammer,

tant où leur secret leur échappera, et ce moment est venu. Au rerte, qui nous dit qu'ils n'ont pas déjà pressenti vaguement leur rivalité? • Et vous l'aimez aussi 1 » Voilà le seul cri que cette révélation arrache à Antiochus. C'est une exclamation de tristesse plus que d'étonnement.

139. « Var. J'espérais que l'éclat qui sort d'une couronne

Vous laisserait peu voir celui de sa personne » (1647-56),

143. Le Dielionnaire de l'Academif, édition de 1694, condamne cette accep- tion, familière à Corneille, du mot déplorable et prescrit de l'appliquer seulement aux choses; ce qui n'a pas empoché Racine et Voltaire de l'appliquer, après Corneille, aux personnes.

148. « Cette apostrophe à l'amour est-elle digne de la tragédie? » (Voltaire.) Pourquoi pas, si l'amour en est le ressort essentiel? Ces apostrophes à l'amour sont communes, trop communes, dans le théâtre du xvn« siècle ; toutes ne sont pas aussi bien justifiées que celle-ci, où l'on sent moins un trait de fade galan- terie qu'un cri d'angoisse involontaire.

149. « Cette réponse ne sent-elle pas un peu plus l'idylle que la tragédie?... En général, ces maximes ne touchent jamais. > A cette critique de Voltaire M. Géruzez répond très judicieusement qu'il n'y a point ici de maxime, mais une simple proposition, dont l'applicatioa est bornée à la situation des deux frères.

152. C'est-à-dire : met le comble à la gloire qu'il laisse au souvenir de la postérité. Dans Cinna (I, iv; V, i). Corneille dit à la fois, en bonne et mauvaise part, couronner un beau dessein et couronner un crime. Voyei plus loin (V, i) le même mot pris dans un sens peu différent.

153. Voyez plus haut la note du vers 9~. Voltaire exagère encore, et ne tient pas assez compte de l'époque où écrit Corneille lorsqu'il juge cette maxime t plus convenable à un berger qu'à un prince, » et digne tout au plus du Ci/rus eu de la Clelù; mais il a raison de s'étonner que les deux frères dévoilent si aisément leurs secrets devant deux subalternes ; il est vrai que Timagène est ^eur précepteur et leur a tenu lieu de pare.

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