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84 RODOGUNE.

ANTIOCHUS.

Parlez : notre amitié parce doute est blessée.

SÉLEUCUS.

Hélas! c'est le malheur que je crains aujourd'hui.

l/égalité. mon frère, en est le ferme yppui, 440

C'en est le fondement, la liaison, le gage,

Et, voyant d'un côté tomber tout l'avantage.

Avec juste raison je crains qu'entre nous deux

L'égalité rompue en rompe les doux nœuds.

Et que ce jour, fatal à l'heur de notre vie, Ho

Jette sur l'un de nous trop de honte ou d'envie.

ANTIOCHCS.

Comme nous n'avons eu jamais qu'un sentiment, Cette peur me touchait, mon frère, également; Mais, si vous le voulez, j'en sais bien le remède.

SÉLEUCUS,

Si je le veux ! bien plus, je l'apporte, et vous cède <20

Tout ce que la couronne a de charmant en soi. Oui, seigneur, car je parle à présent à mon roi,

��Corneille, autant il a raison quand il signale les obscurités de ce premier acte. « On ne sait point encore, observe-t-il, que c'est Séleucus qui parle II était aisé de remédier à ce petit défaut. » — En confiance, avec confiance, en toute confiance : < Parlez en confiance, t {Puleliérie, II, iv.)

108. t J'aime que, dans cette tragédie où les bons sentiments disparaissent dans la mère, ils se retrouvent dans les deux frères, et que l'amour fraternel vienne nous dédommager de l'oubli de la tendresse maternelle. Ainsi les émo- tions douces et pures retrouvent leur ascendant, et le spectateur n'est point condamné au tourment de ne rien trouver qui soit digne d'estime et de pitié. Il s'attendrit sur ces deux jeunes frères, qui, effrayés d'aimer tous deux Ro- aogune, et de se trouver rivaux, se promettent de ne jamais faillir à l'amitié fraternelle. » (Saint- Marc-Girardin, Cours de tiltéralme dramatique, i, 18.)

114. Corneille et ses contemporains suppriment souvent ne après le verbe craindre. Voyez la grammaire de M. Chassang, p 425-26.

115. Voyez sur lieur la note sur le vers 54 de la première scène.

116. « Pourquoi trop de honte ? Y a-t-il de îa honte à n'être pas l'aîné? et, s'il est honteux de ne pas régner, pourquoi céder le trône si vite î » (Voltaire.) « Il y a de la honte, dit au contraire M. Geruzez, à descendre de l'égalité à un rang inférieur, et si les deux frères cèdent le trône si volontiers, c'est qu'ils ont plU' d'amour que d'ambition. > Il faut ajouter que, dans la langue de Cor- neille, le mot honte est loin d'avoir un sens toujours déshonorant. Rodrigue vainqueur dit au roi qui le comble d'éloges :

Que Votre Majesté, sire, épargne ma honte.

De même, en latin, le sens du mot pndor est très large.

121. Voltaire trouve « singulier a que Séleucus ait précisément la mémo idée que son frère, mais avoue qu'il y a « beaucoup d'art » dans la façon dont cette situation est ménagée. Ces mutuelles confidences des deux frères nous paraissent, à nous, non seulement bien amenées, mais fort naturelles. Ils ont même franchise et même passion, c'est-à-dire même désintéressement, même dédain pour tout ce qui n'est pas Rodogune. Comment pourraient-ils se ren- contrer sans se trouver tout d'abord rimnis par la conimunaulé des senliments et des peuEces, par une généreuse émulation dans le sacrifice?

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