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76 RODOGUNE.

Ce grand jour où l'hymen, étouffant la vengeance,

Entre le Parlhe et noi'j remet l'intelligence,

Affiancliit sa princesse, e. nous fait pour jamais S

Du motif de la guerre un lien de la paix;

Ce grand jour est venu, mon frère, où notre reine.

Cessant de plus tenir la couronne incertaine.

Doit rom()re aux yeux de tous son silence obstiné,

De deux princes gémeaux nous déclarer l'aîné: 40

Et l'avantage seul d'un moment de naissance.

Dont elle a jusqu'ici caché lu connaissance,

Metiaiit au plus heureux le sceptre dans la main,

Va faire l'un sujet, et l'autre souverain.

Mais n'admirez-vous point que cette même reine 1 5

��l'âme, ce sont les situations morales. Si, au coulraire, Voltaire a voulu d iô que cette première scèno ne nous instruit pas du pays où l'action se pa^se• il oublie que les noms des Syri.ns, des Parthes et de la capitale des Syriens, Séleucie, reviennent à tout moment. Qui parle? Timagène, qui se présente lui, même à nous comme gouverneur des princes, et Laonice, sa sœur. Il était impossible que Clêopâtre ou Rodogune fit l'exposition et nous jetât dès l'abord en plein drame. Quant aux princes, ils ne connaissent bien ni leur mère, ni Roaogune, dont l'offre les épouvantera tout à l'heure, et ne se < onnaissent pas, à vrai dire, eux-mêmes. Mis en face de l'une ou de l'autre, ils nous engage- raient trop tôt dans la crise; opposés l'un à l'autre, ils se laisseraient aller à des "confidences prématurées. Peut-être même n'eût-il pas été convenable que des fils et des amants fussent char^jés de nous rappeler les malheurs, mêlés de crimes, de Clêopâtre, et les premières fiançailles de Rodogune. Laonice et Timagène, au coptraire, sont dans une pleine liberlé d'esprit, assez attachés aux personnages principaux pour les bien connSàire. assez maîtres d'eoT- mêmes pour n'être pas dupes

4. Var. c Des Parthes avec nous remet l'intelligence, Affranchit leur princesse... » (1647-1656).

7. « Quelle reine? dit Voltaire; elle n'est pas nommée dans cette scène. » ï^i Clêopâtre n'est pas nommée, là comme ailleurs, c'est à dessein; Corneill? a pris soin de nous en avertir. Il craignait qu'on ne confondît Clêopâtre, reine de .Syrie, avec la Clêopâtre égyptienne, plus célèbre qu'elle dans l'histoire. Avoc Voltaire, Palissot et Geoffroy, on peut reN'relter ce scrupule, qui donne, il f>ul l'avouer, une teinte vague au récit de Laonice, clair sans doute, mais seulement aux yeui du lecteur attentif, et d'une clarté un peu abstraite.

8. Plus, désormais. Corneille aime cette tournure; les exemples en sont très nombreux dans ses œuvres; en voici trois, empruntés au Cûl, à Horin et à Cinna :

Ils ont perdu le coeur De ieplu* mesurer conire un si grand vainqueur .. Quand on a tout |)eri1u, que saurait-on pluf crain IfST^. On tas d'hommes perdus de dettes et de criinas, yue pressent de mes lois les ordres légilinics. Et qui, désespérant de les plm éviter. Si tout n'est renversé, ne sauraient subsister.

10. Gémeaux, jumeaux. On disait autrefois (lémeaux, grmeltes; La Fontaine dans l'syehé (1) écrivait a\i%%\ gémeaux, et Millevosi: suit encore cette ortho- graphe, mais en l'appliquant, comme le permet Vaugelas, aux gémeaux Castor etPollux, dont les étoiles forment un des douze sign s du Zodiaque.

1.5. Admirer est pris ici dans le sens de s'étonner, mirari quod.

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