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EXAMEN DE RODOGUNE. 71

sition qu’elle savait bien qu’ils n’accepteraient pas. Si le traité de paix l’avait forcée à se départir de ce juste sentiment de reconnaissance, la liberté qu’ils lui rendaient la rejetait dans cette obligation. Il était de son devoir de venger cette moit; mais il était de celui des princes de ne se pas charger de cette vengeance. Elle avoue elle-même à Antiochus qu’elle les haïrait, s’ils lui avaient obéi ; que, comme elle a fait ce qu’elle a dû par cette demande, ils font ce qu’ils doivent par leur refus ; qu’elle aime trop la vertu pour vouloir être le prix d’un crime; et que la justice qu’elle demande de la mort de leur père serait un par- ricide, si elle la recevait de leurs mains.

Je dirai plus : quand cette proposition serait tout à fait condamnable en sa bouche, elle mériterait quelque grâce, et pour l’éclat que la nouveauté de l’invention a fait au théâtre, et pour l’embarras surprenant où elle jette les princes, et pour l’effet qu’elle produit dans le reste de la pièce, qu’elle conduit à l’action historique. Elle est cause que Séleucus, par dépit, renonce au trône et à la possession de cette princesse; que la reine, le voulant animer contre son frère, n’en peut rien obtenir, et qu’enfin elle se résout par désespoir de les perdre tous deux, plutôt que de se voir sujette de son ennemie.

Elle commence par Séleucus, tant pour suivre l’ordre de l’histoire, que parce que, s’il fût demeuré en vie après Antiochus et Rodogune, qu’elle voulait empoisonner publiquement, il les aurait pu venger. Elle ne craint, pas la même chose d’Antiochus pour son frère, d’autant qu’elle espère que le poison violent qu’elle lui a préparé fera un effet assez prompt pour le faire mourir avant qu’il ait pu rien savoir de cette autre mort, ou du moins avant qu’il l’en puisse convaincre, puisqu’elle a si bien pris son temps pour l’assassiner, que ce parricide n’a point eu de témoins. J’ai parlé ailleurs[1] de l’adoucissement que j’ai apporté pour empêcher qu’Antiochus n’en commît un en la forçant; de prendre le poison qu’elle lui présente, et du peu d’apparence qu’il y avait qu’un moment après qu’elle a expiré presque à sa vue, il parlât d’amour et de mariage à Rodogune. Dans l’état où ils rentrent derrière le théâtre, ils peuvent le résoudre quand ils le jugeront à propos. L’action est complète, puisqu’ils sont hors de péril ; et la mort de Séleucus m’a exempté de développer le secret du droit d’aînesse entre les deux frères, qui d’ailleurs n’eût jamais été croyable, ne pouvant être éclairci que par une bouche en qui l’on n’a pas vu assez de sincérité pour prendre aucune assurance sur son témoignage.

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  1. xxxxxxxx de la tragédie et Discours du poème dramatique.