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48 RODOGUNE.

ses formules alambiquces, ses périphrases convenues. Le je ne sais quoi de Hodogune se trouve dans Mé'lée :

Souvent je ne sais quoi, qu'on ne peut exprimer, Nous surprend, nous emporte et nous force d'aimer;

et dans la Comédie des Tuileries l'amour est défini de nôme:

Un certain mouvement qu'on ne pent exprimer.

La rougeur de Rodogune quand on lui parle de cet amour, son émotion qunnd elle voit venir Antiochus, le noble aven qu'elle lui fniL au quatrième acte, ne sont pas ridicules; car elle n'est, quoi qu'en dise Voltaire, ni veuve, ni vieille, et, si elle se trahit, c'est en annonçant aussitôt la résolution de sacrifier sa passion à son devoir; reine, elle ne dui( et ne veut épouser qu'un roi. Cependant, on est contraint de le reconnaître, en deux ou trois passages, d'ailleurs peu étendus, cette princesse des Par- thes semble avoir fréquenté l'hôlel de Rambouillet autant que le palais de Séleucie. Il faut le constater, et passer outre : car ce n'est là qu'un trait fugitif, tout superficiel, et le caractère essen- tiel de Kodogune n'en est pas altéré. Le Pyrrhus d'AndroDiaque s'oublie de même parfois à parler le langage de la cour; mais vienne la crise décisive, et l'on verra bientôt reparaître le héros d'Homère.

Quel est donc le vrai caractère de Rodogune? Ce n'est, à notre sens, ni l'extiôme douceur s'emportant tout à coup à la fureur extrême, ni la férocité hypocritement dissimulée sous les dehors de la douceur, jusqu'au moment oij elle peut se montrer au grand jour. Plus faite par sa nature pour la tendresse que pour la violence, Rodogune est aigrie par le malheur, exaspérée par la persécution. Ainsi, dans Horace, s'exaspère et s'exhale en imprécations furieuses la tendresse, longtemps paisible, de Camille; ainsi, dans Ciiina, Emilie, altérée de vengeance, de- viendra une furie, adorable, si l'on veut, mais une furie, dont Auguste aura tout à craindre; désarmée pr l'affectueux pardon de l'empereur, elle reprendra, non sans quelque soulagement peut-être, sa douceur naturelle. Rodogune n'aura pas ce bonheur de rencontrer une grande âme qui la subjugue et l'apaise; et pourtant la tension d'esprit que lui impose la vengeance lui est à ce point pénible, qu'elle revient sans effort, sans motif apparent même, à son vrai caractère, qui est généreux et bon.

Elle traverse une crise, et Corneille nous en avertit : caria scène V de l'acte I n'est cas tout entière dans les quatre vers

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