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INTRODUCTION. • 41

sa haine implacable attend seulement, pour revivre au grand jour, l'occasion prochaine d'une vensieance. Cette occasioi s'oflre enfin; elle la saisit avec une précipiiation fébrile. Quoi de plus odieux si l'on se place au point de vue de la vertu stricte? M^is quoi de plus naturel si l'on ne considère que le caractère de C\éo- pâtre? Ce caractère peut être effrayant, mais il est logique, et ne ^e dément pas.

Dira-t-on que la seule présence des deux princes rend cette confession cynique plus singulière, sinon plus mon^irueuse ? Il est incroynble, repètent sur tous les tons Lamotte. \ Ollaire, La Harpe, que CléO(iàtre ose parler ainsi à des jeunes iîPiis doux, vertueux, sensibles, et amoureux de liodogune. Tout d'abord, elle connaît mal ces princes élevés loin d'elle, et qu'elle vient seulement de revoir. Pénétrante commis elle l'est, elle a dû les deviner du premier coup d'oeil ; mais sait-elle et peut-elle sa- voir si l'éducation que leur a donnée Timagène n'a pas endormi, plutôt qu'étouffé, toute passion mauvaise dans le cœur de eeux qui sont après tout ses fîls? Elle doute et veut être éclairée. Cette première et décisive explication lui apprendra si ses fils sont vraiment indignes d'elle. Si vertueux qu'ils soient, ils sont jeunes, ils sont princes : jeunes et façonnes à l'obéissance, ils se courberont peut-être sous l'impérieuse autorité de leur mère et se senlironttrop faibles pour larésistance etia lutte; princeset fils de Cléopàtre, ils ne sauraient manquer d'ambition, sans mentir à leur origine. Le rôle de Timagène est fini ; celui de Cléopàtre com- mence. C'est l'union de ses fils qui a fait leur force jusqu'à pré- sent; eh bien, elle les divisera, elle les opposera l'un à l'autre, elle les stimulera par l'appâl du pouvoir. Si elle parvient à séduire l'un d'eux, si elle le pousse au crime, elle l'enchaîne à jamais à elle par une sorte de complicité naorale, et peut déclarer l'aîné sans crainte, car l'aîné sera ceLtri qui *e sera montré, à l'épreuve, capable de succéder à une telle mère. Mais s'ils acceptent tous deux? Elle sera du moins délivrée de son ennemie, et pourra ensuite aviser au moyen de retenir le pouvoir. Si, au contraire, tous deux hésitent, se troublent, prennent peur, elle triomphe encore : car leur embarras fait sa sécurité ; en éludant une ex- plication embarrassante, dangereuse peut-être, si elle est forcée de choisir et si ^lle choisit mal, elle gagne du temps, et, en at- tendant, selon son mot énergique, elle «possède^». De toute façon, sa proposition doit tourner à son avantage : repoussée,

1. Acte II , «c. n

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