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INTRODUCTION. S3

qui ont beaucoup ae respect pour cette diablesse de maman, et lion moins de tendresse pour cttle autre furie d'amante qui leur fait les doux yeux. Car s'ils ne sont pas tous les deux très ver- tueux, l'intrigue n'est pas aussi difficile à débrouiller qu'elle le paraît, ou bien elle l'est tellement qu'on ne peut plus s'en tirer. L'un part et tue la princesse pour avoir le trône, voilà qui est fait; ou bien l'autre part et tue sa mère pour avoir la princesse, voilà encore qui est fait. Ou bien ils partant tous les deux, et fuent leur bien-aimée, et veulent tous deux obtenir le trône; de cette manière on n'en peut plus sortir. Ou bien encore ils tuent tous deux leur mère, et veulent tous deux avoir la demoiselle : et de cette manière encore on ne peut plus s'en tirer. Mais, s'ils sont tous les deux bien vertueux, aucun ries deux ne veut tuer ni l'une ni l'autre : ils restent là tous deux, gentiment, bouche béante, ne sachant que faire,et c'est là justement la beauté delà situation. Il est srai que la pièce aura un air bien étrange; les femmes y sont plus implacables que des hommes en furie, et les hommes y sont plus femmes que des femmelettes. »

Voilà sur quel ton égayé l'on juge Rodogune en Allemagne. Et ce n'est pas une fantaisie isolée. Guillaume Scblegel, il est vrai, sait parler de Corneille avec convenance et respect; mais c'est qu'aussi l'œuvre de Lessing était achevée, et l'Allemagne soustraite à l'influence française. Goethe, esprit large et qui v» les choses de haut, résiste à l'entraînement général, et déclaiv que la tragédie cornélienne est une école de héros; mais Schiller, moins pédant que Lessing, et qui semblait mieux fait pour comprendre Rodogune, n'est ni moins dur, ni moins injuste que lui.

« J'ai lu Rodogune, * Pompée et Polyeucle de Corneille, el j'ai été stupéfait des imperfections réellement énormes de ces ouvrages que j'entends louer depuis vingt ans. L'action, l'arran- gement dramatique, les caractères, les mœurs, la langue, tout enfin, les vers même oifr^nt les défauts les plus graves; et la barbarie d'un art qui commence à peine à se former ne suflBt pas, il s'en faut, à les excuser. Car ce n'est pas seulement le mauvais goût (défaut si fréquent dans les œuvres où il y a le plus de génie, quand ces œuvres appartiennent à des époques encore incultes), ce n'est pas, dis-je, le mauvais goût seulement qui nous choque ici, c'est la pauvreté dans l'invention, la mai-

��1. LeUre à GœlSie, 31 mai 1199.

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