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INTRODUCTION. 31

portionnpr les causes aux ( ffets, exclure avec soin le hasard, fHire arriverles événements de telle manière qu'ils ne puissent pas arriver autrement, voilà l'œuvre du génie, quand il tra- vaill(> dans le champ de l'histoire». Il faut citer ici, malgré sa longueur, la page vraiment habile que nous aurons à discuter, et où Lessing s'efforce de montrer l'enchaînement des effets aux causes dans le récit d'Appien :

« Cléopâtre, dans l'histoire, fait périr son époux, tue l'un de ses fils d'un coup de flèche et veut empoisonner l'autre. Sans doute ces crimes s'enchaînent entre eux et ils n'avaient tous au fond qu'une seule et même source. Tout au moins on peut ad- nietire comme vraisemblable que la jalousie seule a pu faire d'une épouse furieuse une mère également furieuse. On com- prend aisément que l'idée de voir à côté de soi une seconde épouse et de partager avec elle l'amour d'un époux et le rang royal, ait porté un cœur sensible et fier à la résolution de sa- crifier ce qu'il ne pouvait plus posséder sans partage. Dé- métrius ne doit plus vivre, parce qu'il ne veut plus vivre pour Cléopâtre seule. L'époux coupable périt donc ; mais en lui périt aussi un père qui laisse des fils pour le venger. Leur mère, dans la frénésie de sa passion, n'avait pas songé à eux; ou bien elle n'avait tu en eux que ses propres fils; elle se croyait sûre d'eux, ou elle pensait que si leur piété filiale avait à choi- sir entre leurs parents, elle se déclarerait sans aucun doute pour le premier odénsé. Mais les choses tournent autrement : le fiisse trouve roi, et le roi ne voit pas en Cléopâtre une mère, mais une femme régicide, hjle avait donc tout à craindre de lui; et, dès ce moment, il doit tout craindre d'elle. Elle sentait encore la jalousie fermenter dans son cœur; l'époux infidèle survivait en son fils. Elle commence à heïr tout ce qui doit lui rappeler qu'elle l'a aimé. L'instinct de la conservation redouble cette haine; la mère prévient le fils; l'offenseur devance l'offensé. Elle entreprend le second meurtre pour que le premier demeure im- puni ; elle frappe son fils, et rassure sa conscience en se disant qu'elle ne frappe qu'un homme qui avait résolu sa mort; qu'à proprement parler, ce n'est pas elle qui commet un meurtre, qu'elle ne fait que prévenir les coups du meurtrier. Le sort du fils aîné serait devenu aussi celui du plus jeune; mais celui-ci est plus prompt ou plus heureux. Il force sa mère à boire le poison qu'elle lui a préparé : un forfait en punit un aufre; et ce sont les circonstances seules qui nous indiquent de quel côté doit pencher la balance de l'horreur ou celle de la compassion. Ce

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