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W RODOGONE.

râlions générales sur la jalousie et l'ambition, employées comme moyens dramatiques, peuvent être contestées assurément, mais non pas dédaignées.

Parfois, son bon sens naturel l'emporte sur ses préventions, sur sa volonté bien arrêtée de soustraire son pays à la tyrannie de l'école française: c'est ainsi qu'il écnrte, pour ainsi dire, par la question préalable certaines chicanes hi>:toriques de Voltaire*. « Certainement Corneille était libre de faire ce qu'il lui plaisait des circonstances historiques. Il pouvait, par exemple, supposer Rodogune aussi jeune qu'il voulait; et Voltaire a grand tort quand il se met encore ici à calculer que, d'après l'hisioirr-, Ro- dogune ne devait pas êlre si Jeune que cela, attendu qu'elle avait épousé Démétrius à une époque oij les deux princes, à qui l'on ne peut guère actuellement donner moins de vingt ans, étaient encore de jeunes enfants. Qu'est-ce que tout cela fait au poète? Sa Rodogune, à lui, n'a pas épousé Démétrius; elle était très jeune quand le père voulait l'épouser, et elle n'est pas beau- coup plus âgée au moment où les fils s'éprennent d'elle. Voltaire, avec son contrôle historique, est tout à fait insupportable. Que ne verifie-t-il plutôt les dates de son Histoire universelle? » Mais ces accès de loyale franchise sont rares; car, ne l'oublions pas, Les- sing poursuit l'aclièvement d'une œuvre, non pas seulement lit- téraire, mais patriotique à ses yeux et nationale ^.

Quel reproche essentiel Lessing fait-il donc à Corneille? Il lui reconnaît le droit de modifier à son gré l'histoire; seulement il compare l'histoire à la tragédie et c'est le récit historique qui lui paraît la tragédie la plus naturelle, la mieux construite, la plus logiquement ordonnée. Appien est un tragique fort su- périeur à Cornedie; ou plutôt la vérité des faits, telle que l'histoire nous les présente, mérite seule d'être admirée et imitée.

« Le génie aime la simplicité, l'esprit aime les complications,» voilà le principe très net d'oti part Lessing pour démontrer, à l'aide d'une méthode presque mathématique, que Corneille est un homme d'esprit et n'est pas un homme de génie. L'histoire en effet ne lui donnait ni la proposition de Cléopâtre, ni celle de Rodogune; il a dû les tirer de son propre fonds et, par suite, moriifler le dénoùment historique, qui soilait du développement des caraclèr-s et de l'enchaînement des situations, comme un effet sort d'une cause; car «ramener les effets aux causes, pro-

��1. Voyez Ij-iùng »t le goût françaù iti AHemaçne, de M. Crouslé.

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