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?0 RODOGUNE.

de répondre à une critique bien des fois renouvelée depuis; raccumulaiion des coups de théâtre et la complexité, parfois obscure, de l'action dramatique, qui gâtent dès lors ses plus belles pièces, ne choquaient pas encore ses conleinporains, et surtout ne le choquaient pas lui-même. « Corneille, dit M. iMé- zières i, croit imitei- les anciens; il cherche à se conformer aux préceptes d'Aristole; il veut exciter la terreur, et, pour y réussir, il accumule dans une même pièce les événements les plus inattendus, les malheurs les plus extraordinaires etles crimes les plus horribles. Rien de plus opposé à la simplicué du génie grec, qui tire au (Ontraire ses grands elîels tragiques du déve- loppement continu et presque toujours prévu d'avrince de l'ac- tion la moins conipliqupe... Un Grec eiit transporté à la scène le récit d'Appien, où les crimes s'enchaînent dans leur ordre naturel et s'expliquent par les causes les plus vraisi^niblables, la peur de l'assassinat engendrant l'assassinat; mais Corneille éprouve le besoin de compliquer davantage le sujet. »

Nous n'examinons point si ce jugement n'accorde pas trop à Lessing; mais M. Mézières a raison de dire que Corneille élude la règle de l'unité de temps plus souvent qu'il ne l'ob- serve, et, pour obéir à cette règle, d'ailleurs arbitraire, entasse un tiop grand nombre d'événeinents dans un temps trop court. On eût fort étonné l'auteur de Rodogune, si l'on avait entrepris de lui apprendre que « l'invention consiste à faire quelque chose de rien*. » Non pas qu'il fût aveugle; il savait à mer- veille distinguer entre ses œuvres diverses et connaissait « l'in- commodité des pièces embarrassées, qu'en termes de l'art on nomme implexes, telles que sont Rodogune et Hc'raclius ^. » Mais le grand art, à ses yeux, c'était de lutter contre ces mille difticultés qu'on s'était à soi-même créées, et de les vaincre en arrachant l'admiration du spectateur étonné. Alors il triomphait d'avoir fait tenir tant de choses en si peu d'espace, et s'écriait avec un naïf orgueil * : « Rodogune ne demande pas plus de deux heures. »

Quant à l'unité de lieu, pourquoi s'en inquiéterait-il? On a conservé l'indication de la mise en scène pour Rodogune et pour un grand nombre des autres tragédies de Corneille. Rien

��1. PrAfaoe de la Dramaturgie de Lcgsing, Irad. Crcm»i6,

2. Racine, préf;ice do Ihrénice,

3. Ivximen de ('Anna.

4 Dixcmtr» des trois unité».

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