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18 RODOGUNB.

naient pas toujours — osèrent s'attaquer à ses grandes œuvres! Ainsi, de par Anslote, on distinguait quatre sortes de situalions tragiques, dont les unes étnient déclarées conformes aux règles, 'iont les autres étaient proscrites : 1° On connaît celui qu'on "eut perdre, et on le perd; 2° on le fait périr sans leconnaître; 3' on est près de le fairei périr, et on le reconnaît; 4" on !e con- naît, on entreprend de le perdre sans l'achever. Or, Rodogune, — impardonnable grief! — rentrait dans cette dernière caté- gorie. Que faire et que dire ? Lentement, douloureusement, le vieux Corneille repassait sur tant de i^elles scènes qu'un abbé d'Aubignac proclamait incorrectes, et qu'il s'efforçait de jus- tifier, parfois au prix de bien des concessions humiliantes. Dans son inquiétude, il croyait déjà voir le monument qu'il avait élevé s'en aller en poussière sous le docte marteau des Rristo- téliciens à outrance : « Aristole, s'écriait- il avec eflroi^, condamne entièrement, la quatrième espèce de ceux qui con- naissent, entreprennent et n'achèvent pas, qu'il dit avoir quel- que chose de méchant, et rien de tragique, et en donne pour exemple Hémon, qui tire l'épée contre son père dans VAntif/one et ne s'en sert que pour se tuer lui même. Mais, si cette con- dition n'était modiQée, elle s'étendrait un peu loin, et envelop- perait, non seulement le Cid, mais Cinna, Rodogune, Héraclius et Nicomède. »

On lui reprochait de ne pas suivre pas àpas l'histoire, comme si le génie du poète dramatique pouvait s'accommoder de l'exactitude, presque scientifique, de l'historien, comme si les personnaiios qu'il crée, quelque caractère qu'il leur donne, en quelque situation qu'il les place, n'étaient pas vrais et vivants, plus vivants que les héros de la tradition, plusvivants que nous- mêmes! Mais Corneille, qu'on a pu appeler « un historien, » ', qui, au témoignage de Balzac,— et Balzac s'y connaissait, — fai- sait les Romains plus Romains qu'ils n'étaient, qui pénétrait si avant dans « le génie des nations mortes ', » n'avait pas besoin de dénaturer l'histoire pour s'y tailler un drame. Il ne voulait être ni servile imitateur, ni inventeur romanesque. Seulement, il se sentait plus à l'aise dans une fable dramatique comme celle de Rodogune, et il l'avouait, avec une sincérité

��1. Discours de la trageaxe.

%. M. Desj.irdins a écrit un livro intitulé : Corneille hislorim.. .^. Saint-Evremond, Disserlalion sur la trayi'diede Racine intitulée A lexandn le Grand (lG6ô).

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