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et .J tait. Certes, Voltaire, qui trouve encore « étrange » ce silence volontaire et digne, n'eût pas attendu et ne se fût pas lu. L'Kurope tout entière aurait nHenti de ses protestations pas- sionnées; mais aussi Voltaire n'est pas Pierre Coriieilie, et, mal- gré lout son génie, il n'eût pas fait Rodogune.

Aucune preuve morale, on le voit, ne nous autorise à con- tester le téinoii,'nage 1res précis de Fontenelle' : « Je ne crois fias, dit-il, devoir rappeler ici le souvenir d'une autre Rodogune que fit M. Gilb rt sur le plan de celle de iM. Corneille, qui fui trahi en cette occasion par quelque confident indiscret. Le public n"a que trop décidé entre ces deux pièces en oubliant p:irlaite- ment l'une. » Venant du neveu de Corneille, celle affirnialion peut sembler suspecte; Gilbert se chargera lui-même d'en dé- montrer la parfaite vérité.

Une .singularité tout extérieure nous frappe d'abord dans la Rodogune de GUbert*. La Cléopàlre de Corneille y devient Kodogune, et Kodogune y devient Lydie. Pourquoi ces chan- gements de noms, qui, comme l'observe Voltaire, falsifient l'his- toire? Si les deux poètes avaient suivi le même modèle, cette différence si bizarre ne s'expliquerait pas. Elle ne s'expliquerait pas davantage si l'œuvre de Gilbert était originale, et directe- ment tirée d'Appien, comme celle de Corneille; car pourquoi dénaturer à plaisir l'histoire, alors qu'il est si facile de la res- pecter, si dangereux d'assurer d'avance celle supériorité à sou rival? Pourquoi les fils de la reine mère s'appellent-ils Darie et Arlaxerce, et non, comme le veulent Appion el Corneille, Antio- chus el Séleucus? Ici, l'évidence d'une confidence indiscrète seuible éclater. Très peu historien, le pauvre Gilbert eût fort désiré emprunter à Corneille les noms de ses personnages au.ssi bien que le plan de sa pièce. Comment n'a-t-il pas réussi à pousser jusqu'au bout son larcin? Un passage de l'Averlisse- menl de Corneille va nous l'expliquer : « Je confesse ingénu- ment que CB poëine devait plutôt porter le num de Cléopàlre que de Rodogune; mats ce qui m'a fait en user ainsi a éie la peur que j'ai eue qu'à ce nom le peuple ne se laissât preo .cupef des idées de cette fameuse el dernière reine d'Egypte, et ne coti fondît celte reine de Syrie avec elle, s'il l'entendait prononcer. C'est pour cette même raison que j'ai évilé de le mêler dans

1. OEuvres, t. III, p. 106. Le Dictionnaire portatif des Ihedlrea donne la «l'-ma explication que Fontenelle.

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