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12 RODOGUNE.

phrase peu volt&iriejine : « M. GiJbeil éinit résident de la reine Christine; jamais homme revêtu d'un emploi public ne com- mettrait une si mauvaise action. » Quelle invraisemblable can-, deur I « Ne vous semble-t-il pas, dit un critique dramatique voir le sourire du bonhomme de Ferney écrivant une phrase pareille, digne tout au p'us du héros d'Henri Monnier? »

Que le plagiat soit, moralement possible, Voltaire n'a pu sé- rieusement le nier. Observons, d'ailleurs, que Corneille est dans tout l'éclat de sa gloire, qu'il a produit la plupart de ses chefs- d'œuvre. Gilbert, au contraire, n'a fait représenter que deux pièces; c'était un débutant vis-à-vis de l'auteur du Cid et ù' Horace, de Ciiina eL de l'olyeucle, de Pompée et du Men- leur, illustre par tant de victoires. Il est vrai que, dans une de ses pièces, dit-on, le cardinal de Richelieu avait daigné glisser quelques-uns de ses propres vers; grand honneur, dont Gilbert ne tira pas grand profit. Corneille faisait mieux : en dépit de Richelieu, il lriun)phait, « sans appui », sur le théâtre, et pou- vait s'écrier fièrement :

Je ne dois qu'à moi seul toute ma renommé*.

Lequel de ces deux hommes avait intérêt à copier l'autre? Mais la pièce de Gilbert a été représentée quelques mois avant celle de Corneille? Ne voit-on pas précisément dans la précipitation avec laquelle fut conçue, écrite, jouée la fausse RofJogune, alors que depuis lon<itemj)S Ih Rodoyane véritable était annoncée et attendue, la fièvre malsaine d'un yuleur, avide de bruit, qui s'empresse de jouir d'une bonne fortune plus ou moins légitime? Mais Corneille ne laissa pas échapper un seul mot d'accusation ou de plainte? C'est qu'il ne voulait pas et ne pouvait pas se plaindre, à plus fort(i raison accuser. De la propriété littéraire on n'avait alors ni le mot ni la chose. A quoi le scandale eût-il servi? N'y a-t-il pas, aujourd'hui comme alors, des plagiats, cyniques au fond, habilement déguisés dans la forme, qui passent impunis, sinon inaperçus? Comparer la conduite des deux rivaux, si ce mot n'est pas un blasphème littéraire, c'est les juger : tandis que Gilbert semble avoir hâte d'éialer aux yeux de tous son heureux larcin, Corneille ne se presse pas de livrei son œuvre au jugement souverain du public; sûr de l'avenir, U souffre avec patience les petites injustices du présent; il attend

1. M. Alphonse Daudet; Jointial ofjiciet : Corneille plagiiUre.

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